Premier long-métrage de Jean-Jacques Jauffret, Après le sud raconte, les unes après les autres, les vies quotidiennes douloureuses de quatre personnages. Celle d’Amélie (Adèle Haenel), qui découvre qu’elle est enceinte, celle de son petit ami Luigi, qui travaille dans l’usine de son père, celle de la mère obèse d’Amélie (Anne), qui se rend en cachette en clinique pour se faire opérer, et celle de Georges, retraité dérobant dans les supermarchés.
Le cinéaste opte pour une structure musicale : les parcours des quatre personnages, traités indépendamment les uns des autres, se croisent lors de quelques séquences, qui sont rejouées depuis un point de vue différent en fonction du personnage que l’on suit. Pour être délicate, cette construction n’apparaît pas très originale, et surtout pas tellement nécessaire. Le changement de point de vue ne complexifie pas le récit, les personnages, l’appréhension que nous avons des histoires. Assez inconséquent, il semble un peu artificiel.
On suit sans mal ces destins quotidiens, sobrement filmés, justement interprétés et ancrés dans l’atmosphère marquante de l’été caniculaire à Marseille, mais rien de vraiment marquant ne s’en dégage. Le désarroi d’Amélie face à sa grossesse est un peu trop unilatéral, son comportement un peu trop répétitif, et il tend à lasser. On a du mal à entrer dans l’histoire de Luigi qui, suite à un incident provoqué par son jeune ami dans l’usine de son père, se fait frapper par ce dernier et décide de retourner vivre avec sa mère en Italie. Dans la première section, racontant l’histoire d’Amélie, on est séduit de voir sa mère obèse car ça n’est pas en tant que telle qu’elle existe. Anne est une mère aimante et aimée, qu’elle soit si grosse ne semble pas avoir de rôle dramaturgique, et l’on se dit qu’il est bon de voir à l’écran des personnages dont la particularité corporelle n’est pas lourdement soulignée. Mais lorsque c’est au tour de l’histoire d’Anne d’être racontée, on est déçus, car son obésité devient le centre de ce qu’elle est. Anne veut se faire opérer, et l’on n’échappe pas à la scène de crise boulimique attendue (même si l’on salue sa sobriété). Le personnage, jusqu’alors attachant, tend à s’affadir. Le monde du travail est aussi au centre du film : Amélie est caissière dans un supermarché le temps de l’été, et Luigi travaille en usine. Mais rien de bien palpitant n’est raconté sur de tels univers, les préoccupations intimes des personnages prenant toute la place.
Georges enfin, dernier tableau, précipite le film vers la tragédie en tuant sur une impulsion Luigi qui le dérange en jouant au ballon avec ses amis. Si l’on regrette que le meurtre ne soit pas davantage suggéré (il n’était pas besoin de nous montrer le corps mort du jeune homme, rester à distance, du point de vue du tueur armé, aurait suffi à notre compréhension), la mécanique tragique qu’il évoque ne retient pas notre intérêt. Nous sommes invités à relire les récits, à nous pencher sur les détails qui ont mené au meurtre absurde, mais cette approche ne nous semble pas apporter grand-chose à ces tableaux de vies ordinaires.
Honnête et fluide, Après le sud nous a sans doute un peu déçus parce que nous attendions beaucoup de ses promesses.