La projection des Géants (troisième long métrage du Belge Bouli Lanners), en clôture de la Quinzaine, eut lieu juste après l’annonce du palmarès qui récompensa le film d’un double prix, l’Art Cinema Award et le prix SACD. L’enthousiasme du jury et de la salle ont accru les attentes que nous avions déjà quant au nouveau film de l’auteur d’Eldorado. Peut-être à cause de tant d’émulation, nous avons été un peu déçus.
L’histoire est celle des frères Seth et Zak, que leur mère a laissés seuls dans leur maison en pleine nature, et de Dany, qu’ils rencontrent au début du film. Privés de tout repères (pas de parents, pas d’école, quelques voisins épars pour seule société), les trois jeunes gens, unis par une amitié sans faille, vont vivre des expériences tantôt cocasses tantôt douloureuses, faire diverses rencontres, comme dans Eldorado mais selon une géographie plus circonscrite.
Les thèmes des Géants ne frappent pas par leur originalité : sortie de l’enfance, adolescence comme âge où tout est possible, confrontation de l’innocence au monde abject des adultes, parcours initiatique… La forme à laquelle recourt Bouli Lanners permet cependant d’éviter le cliché. Nous sommes ici dans le conte : enfants sans parents, nature, cabanes abandonnées, forêt, rivière… véhiculent un sentiment d’intemporalité. L’atypicité des adultes rencontrés (un vendeur de haschisch complètement fou, une brute épaisse, la mère mutique d’une handicapée mentale…) permet aussi de faire d’eux autre chose que de simples obstacles à la liberté adolescente. Le monde des Géants est glauque mais l’humour met judicieusement tout tragique à distance. La tonalité varie en fonction des péripéties, les scènes sont tantôt drôles, violentes, émouvantes…
On ressent bien la tendresse avec laquelle Bouli Lanners regarde ses trois protagonistes. La douceur générale qui en résulte est certainement plaisante, mais elle semble aussi niveler le film. Tout nous semble un peu trop fade : bien construit, bien filmé, bien joué, mais sans moments qui décolleraient vraiment, sans que ces trois personnages adorables ne deviennent vraiment marquants. Le film ne dure qu’une heure trente, mais le rythme s’essouffle et il semble un peu long. La fin, en revanche, est excellente de points de suspension. Sur une barque, les enfants se laissent porter par le courant, nous laissant libres d’imaginer leur futur.
Les Géants est assurément un joli film, tout à fait honorable, mais nous aurions aimé qu’il soit un peu plus que cela.