Le palmarès est un mal nécessaire. La justice qu’il rend est trop rare pour être avérée. Bien souvent, il lance le signal de discussions infinies et de protestations quant à son bien-fondé. Avec lui, tout se passe comme si un second festival recommençait, comme s’il fallait immanquablement rejouer le match. En fait, son rôle n’est pas tant de clore que de donner le top-départ à la vie des films en dehors du festival. Son rôle n’est pas tant de couler l’histoire dans son marbre que de lancer les discours indispensables à l’évaluation de chaque œuvre. Sans lui, un festival ne serait jamais qu’une immonde foire à l’étalage, où chaque film en vaut bien un autre, où ne règne qu’une indifférente grille de programmes. C’est pourquoi il ne sert à rien de pester contre ses choix. La justesse d’un palmarès importe peu. Ce qui compte, justement, c’est qu’il tranche. Le Jury du 64ème Festival de Cannes, présidé par Robert De Niro, a choisi de remettre la Palme d’Or, récompense suprême, à un film d’une suprême inégalité et qui s’est avéré, par là-même, l’un des plus passionnants de la Compétition (aux côtés du Melancholia de Lars von Trier). The Tree of Life de Terrence Malick est traversé d’instants proprement sublimes et pourtant travaillé par une emphase qui l’empêche ponctuellement de s’élever aux cimes qu’il vise. Cette double propension, à la légèreté et à la lourdeur, à la limpidité et à la complexité, à la grâce et à l’ancrage terrestre, lui donne les airs d’un 2001 malade. Sans revenir sur les autres films primés, signalons simplement qu’il nous faudra d’ores et déjà revenir en détail sur deux des plus beaux films de la Compétition, et qui sont pourtant repartis bredouilles : le malicieux et profond Pater d’Alain Cavalier, qu’on a trop rapidement accusé de jouer sur un terrain exclusivement franco-français (franchement, on n’a rien entendu de plus con) et le fascinant L’Apollonide – Souvenirs de la maison close, qui par sa forme toute en subtiles arabesques et en surplaces hypnotiques, n’a pas fini de diffuser ses charmes opiacés. Ils rejoignent de concert le superbe La guerre est déclarée de Valérie Donzelli, présenté en ouverture de la Semaine de la Critique, pour former une sorte de trio des plus inventifs, des plus audacieux films français de l’année.