De retour à la Quinzaine des réalisateurs après deux courts métrages, Nuvem (2011) et Os Vivos Tambem Choram (2012), Basil da Cunha, jeune réalisateur d’origine portugaise présente cette année Après la nuit (Até Ver a Luz), son premier long (il s’agit en fait de son film de diplôme tourné avec un budget de court). Ceux qui auraient vu les courts précédents n’ont pas été dépaysés. Ou plutôt si ! Car à moins d’habiter dans le bidonville créole de Lisbonne (décor ô combien cinématographique idéal pour un film de gangsters) difficile de proposer meilleure immersion dans ce quartier, lieu de criminalité et de pauvreté, que le réalisateur habille d’une poésie visuelle et sonore qui est d’ores et déjà sa « touch ».
Si la trame tient en quelques mots – Sombra, un dealer sorti de prison, reprend ses habitudes dans le quartier, entre trafic, histoires de fric et bagarres – le film regorge de petites perles cinématographiques. Comme le travail sur la lumière, l’un des motifs dominants du film, qui traduit la manière dont Sombra oscille entre ombre et lumière : de la prison à la liberté, du grouillement de la journée à la quiétude de la nuit, de l’envie d’être bon à celle de massacrer la Terre entière. Chaque séquence comprend sa propre atmosphère innervée par diverses sources : flammes, lanterne, TV, ou lune…
Autre réussite de mise en scène : la fluidité maîtrisée avec laquelle les personnages sont filmés. Souvent en mouvement, les personnages se cherchent, se touchent, se frappent, s’insultent, cette mobilité de la caméra qui permet d’embrasser des interactions dans leur totalité sans les fragmenter, reflète l’homogénéité de la vie du quartier.
Si dans son court précédent un concert prenait place dans un container volant, les associations inédites et poétiques ne manquent pas ici aussi : au clair de lune, Sombra arpente les toits une vielle lanterne à la main ; un iguane, sympathique animal de compagnie, appelé dragon pour son apparence presque chimérique ; ou encore un sorcier désenvoûteur cracheur de feu. Ces motifs font basculer le film dans un univers surréaliste ou onirique qui ne contraste pas avec l’environnement hostile et violent au sein duquel ils émergent mais qui sont plutôt la manière dont le réalisateur perçoit le quartier et ses habitants.
Car cela fait plusieurs années que Basil da Cunha travaille en osmose avec ce lieu qui inspire totalement son travail de cinéaste. Et c’est bien un sentiment d’immersion qu’il souhaite restituer en nous plongeant dès la première séquence in media res. Sans préambule, le spectateur se retrouve propulser au cœur d’un conflit, d’une dispute (mais en est-ce vraiment une ? s’insulter n’est-ce pas juste une façon de se parler ?) qui l’emmènera dans une aventure entre le conte de fée et le film de gangster. Un mélange pour le moins délirant.