Les jours et les films défilent, ce matin la compétition officielle a livré son dernier film, La Vénus à la fourrure de Roman Polanski. Pour le dire franchement, contrairement à d’autres, on n’attend pas fébrilement le « dernier Polanski », et nous n’avions pas tort. Comme le réveil est encore proche, on se frotte les yeux afin de savoir si l’on est bien en salle et non encore dans une rue de Cannes en découvrant Vanda (Emmanuelle Seigner – no comment…), déguisée en cagole de la Croisette. Avant cela, un ample mouvement de caméra nous a fait pénétrer dans un théâtre, dont on ne ressortira qu’inversement dans le plan final. Thomas adapte le roman-titre de Leopold von Sacher-Masoch, qui n’a pas donné son nom à la fameuse tarte autrichienne adorée de Nanni Moretti, mais qui a, par contre, quelque chose à voir avec le masochisme. Thomas s’arrache les cheveux (superbe coupe « polanskienne » de Mathieu Amalric, au cas où on ne comprendrait pas que le personnage est l’alter ego du cinéaste) après une journée passée à voir défiler des comédiennes catastrophiques. Alors qu’il s’apprête à rejoindre sa compagne pour une soirée sushi débarque notre cagole décérébrée, tenue SM, avec l’inévitable collier de chien.
C’est donc parti pour le huis clos « polanskien », avec bouffonnerie, cruauté et anxiété « polanskiennes ». Vanda n’est pas celle que l’on croyait – elle se métamorphose en brillante interprète ; enfin, elle reste tout de même interprétée par Emmanuelle Seigner. Pas un des poncifs de la mise en abyme ne manque à l’appel : le metteur en scène mis en scène, la relation perverse entre créateur et acteur, sans oublier le petit détour par Psychologies Magazine et un virage serré pour passer sur la dimension autobiographique de toute œuvre (et adaptation de celle d’un autre), etc. Le tout servi par une mise en scène atone, si bien que La Vénus à la fourrure est une idée de film sur le papier, et non véritablement un film se déployant grâce aux moyens du cinéma. On en vient à se demander si Thierry Frémaux n’a pas choisi ce film pour son plan final. Thomas finit sur scène attaché à un (faux) cactus (vraiment phallique) par la maîtresse de ce théâtre devenu donjon : un homme-objet. Le délégué général organise-t-il sa rédemption dans une compétition officielle où ne figurait qu’une cinéaste (la sœur de la femme de l’ancien président de la République française pour l’inepte Château en Italie) et où les femmes ont surtout été des objets de désirs (à ne pas confondre avec sujettes à des désirs comme dans La Vie d’Adèle)? Pour l’heure, s’il s’agit d’un geste de programmation – c’est tout de même le dernier plan de la compétition –, inutile de dire combien le trait est épais, et que cette ironie s’avère déplacée.