S’il fallait trouver une seule qualité à la purge innommable qu’est Le Tout Nouveau Testament, ce serait sa capacité à faire remonter le niveau des films peu aimés depuis le début de l’année. Il serait facile (et agréable) de tirer à feux nourris sur l’ambulance qu’est le « film » de Jaco Van Dormael et de le laisser dans le caniveau où il barbote, mais l’idée rance du cinéma qu’il défend et la façon dont il la met en scène, sous ses airs de joyeuse satire gonflée aux effets numériques, méritent qu’on s’y attarde quelque peu.
Dieu existe, vous m’en direz tant, et il vit à Bruxelles sous les traits de Benoît Poelvoorde. Après tout, pourquoi pas : on a connu pire pitch. Sauf que notre Père est quelque peu irascible et s’amuse, entre deux lois divines infligées à nous, pauvres humains, à traiter sa femme (Yolande Moreau) comme une attardée mentale et à mettre des coups de ceinture à sa fille quand elle n’est pas sage. Subversion, je crie ton nom au mégaphone. Van Dormael, qui a décidé de ne nous épargner aucune de ces facéties religieuses, va relier tout son scénario aux événements de la Bible : la Genèse, l’Exode etc. Et pour cela va nous pondre en permanence des petites blagues visuelles et purement illustratives d’une laideur qui laisse pantois, et qui ont autant de saveur qu’une pub pour une armoire Ikea conçu par un Jean-Pierre Jeunet en descente d’acide. Chaque séquence dure à peine 20 secondes montre en main et tend aveuglément vers le niveau zéro de la pensée cinématographique. Encore une fois, on pourrait, aussitôt vu, oublier le film mais celui-ci assène en permanence une petite morale populiste d’un cynisme éhonté sur les classes moyennes : celles-ci sont constamment jugées à cause de leur « petite-vie-de-merde » et Van Dormael va, Dieu merci, leur ouvrir les yeux par une pirouette scénaristique révélatrice de sa vision de la société. Ea, la fille de Dieu, va ainsi envoyer à chaque être humain la date de sa mort : à partir de là, chacun va pouvoir réaliser tout ce qu’il n’a jamais osé faire et se découvrir, enfin, un cœur. Entichée d’un clochard, Ea va aller à la rencontre de six de ses apôtres afin de contrer la parole paternelle et écrire donc le nouveau testament du titre. Mais hélas le seul horizon intellectuel de Van Dormael semble être le rayon littérature de la FNAC où se vendra évidemment comme des petits pains l’ouvrage se résumant à des dessins dignes des pires gribouillages. Le lecteur, comme le spectateur, se sera bien fait avoir. Et le film s’en satisfait, le sourire aux lèvres.
Parmi ses apôtres est cachée Catherine Deneuve qui visiblement est très embarrassée de se retrouver au milieu de ce cauchemar aux relents abjects. Cachée parce qu’il faut voir ce que le cinéaste belge en fait : affublée d’un gorille qui emménage avec elle et qui lui ouvre les voies de la liberté, elle n’a jamais été aussi mal filmée et semble apparaître à l’écran sous un bloc de plâtre en guise de fond de teint. On a fait des procès à des cinéastes pour moins que ça.