Si Jeune Femme séduit joliment, c’est que le premier long métrage de Léonor Serraille, présenté à Un Certain Regard, trousse son portrait de femme avec suffisamment de ressorts pour tenir la durée à pas feutrés. De retour d’un long voyage au Mexique et soudainement plongée dans un Paris gris et atone, Paula, visiblement fauchée, erre d’appartements d’amis en squattage de canapé chez des personnes qu’elle connaît à peine. La jeune femme, saisie après une rupture, est ainsi dessinée au fur et à mesure des différentes rencontres qui tapissent son quotidien. Flanquée du chat de son ex qu’elle refuse de lui rendre, Paula vivote ainsi, de portes en portes, son instabilité psychologique et sentimentale recoupant la précarité qui l’entoure. De tous les plans, Laetitia Dosch compose son personnage au gré de ses sautes d’humeurs, à l’image de la première séquence du film : une visite médicale au cours de laquelle la jeune femme hurle qu’elle n’en a rien à foutre de la liberté au médecin qui ausculte la plaie sanguinolente arborée sur son front. Paula, attrapée ainsi dans une logorrhée délirante, sera amenée à reconsidérer son rapport au monde et aux autres (ses amis, ses employeurs, sa mère…) en changeant constamment d’identité : elle ment sur sa situation en se faisant passer pour une étudiante auprès d’une jeune mère qui l’emploie comme baby-sitter. Pire : elle se fera passer pour une autre personne lorsqu’une inconnue la confondra avec une ancienne camarade de classe. Excentrique, Paula ? Sans doute moins que le film qui remplit son programme avec une certaine candeur modeste qui sied bien à son horizon : saisir la perte de repère (tant psychologique que géographique) de sa protagoniste principale tout en envoyant bouler les différents déterminismes sociaux assénés habituellement pour expliquer le-monde-comme-il-va. Si l’on peut toutefois regretter que Jeune Femme s’abîme au cours de quelques scènes dans son dernier mouvement (notamment une embarrassante séquence d’agression conjugale), on ne peut que reconnaître sa belle constance enroulée autour de sa fascinante comédienne qui, par notamment la maîtrise de son corps élastique, réussit à embarquer le film loin des rails des premiers longs métrages convenus.