Au tout début de Club Zéro, un plan rappelle que Jessica Hausner n’est pas une metteuse en scène sans talent. Un panoramique circulaire présente des élèves qui, tour à tour, évoquent à la demande d’une professeure (Mia Wasikowska) leurs attentes pour le cours qu’elle s’apprête à donner. Quelque chose sonne toutefois immédiatement faux : le mouvement de la caméra est en avance d’une poignée de secondes sur la prise de parole de chacun, comme si l’impulsion de la séquence, initiée par cette enseignante qui tient davantage du gourou, prenait l’ascendant sur leurs sentiments – déjà, l’endoctrinement est en marche. C’est d’autant plus frappant que, au moment d’arriver aux étudiants qui seront les plus rétifs à cet enseignement, la dynamique s’inverse ; la caméra se cale alors plus classiquement sur le débit des dialogues, dans une logique d’accompagnement. Bonne idée, qui est hélas l’une des rares à vraiment se distinguer du reste : le cinéma d’Hausner s’est, depuis sa sélection en compétition pour Little Joe, progressivement fondu dans une esthétique festivalière plus calibrée faisant la part belle à un regard d’entomologiste ricanant – on pense d’ailleurs un peu aux derniers Lanthimos, autre cinéaste qui, après des débuts prometteurs, a opté pour un style plus épais.
Car Club Zéro livre avant tout une satire empesée du « wokisme », ou du moins ce que les réactionnaires mettent derrière ce mot-valise : Hausner caricature une jeunesse dorée et supposément « éclairée » qui, pétrie de certitudes sur les maux du monde, en viendrait à « déconstruire » jusqu’aux évidences les plus inébranlables (vivre sans manger, pour accéder à une véritable sobriété). Et Hausner de pointer leur hypocrisie : non seulement ces jeunes révolutionnaires sont des fils de nantis, mais ils affichent une contradiction manifeste entre leurs convictions et leurs actions – cf. la scène où, après avoir fait semblant de déjeuner dans la cantine de leur école privée, les membres du « club zero » jettent le contenu de leurs plateaux dans les poubelles et s’autocongratulent de la réussite du subterfuge, sans prendre conscience de leur gaspillage. Le tout s’achève sur un regard caméra et un discours rappelant (plus ou moins directement) les prises de parole de Greta Thunberg. Le Figaro a sûrement trouvé sa palme du cœur. D’ailleurs Éric Neuhoff a adoré.