À peine un an après son dernier passage à Cannes, Kore-eda, l’un des cinéastes les plus fréquemment invités au festival ces dix dernières années, revient avec un film qui, de prime abord, se distingue du tout-venant de sa filmographie récente. La narration fragmentée épouse une structure à la Rashōmon pour tourner autour d’un cœur noir, presque crasseux. Le titre est tiré d’un jeu enfantin dont le point de départ consiste à demander « Qui est le monstre ? ». Dans un premier temps, le récit semble répondre « tout le monde », pour finalement clamer « personne » (ou presque, si l’on excepte un père violent) : tout repose sur un feuilleté de couches narratives et de points de vue parcellaires afin de perdre volontairement le spectateur et à mieux le cueillir au terme d’un dernier acte autrement plus solaire et « humaniste » – épithète qui n’a ici pas grande valeur, tant la bienveillance de Kore-eda tient plus de la guimauve que de l’acuité d’un regard illuminant les tréfonds de l’âme humaine. Monster s’avère à l’arrivée, sans trop en dévoiler, une sorte de décalque japonais de Close de Lukas Dhont, maquillé pendant 1h30 en thriller psychologique poisseux. Kore-eda élève ainsi en principe narratif « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » et s’en tient, à l’exception d’un beau plan (une fenêtre recouverte de boue que des mains tentent vainement de déblayer), à une stratégie narrative roublarde, artificielle et, pour tout dire, d’une bêtise qui laisse un brin coi.