© Tandem
Eat the Night

Eat the Night

de Caroline Poggi, Jonathan Vinel

Eat the Night

de Caroline Poggi, Jonathan Vinel

MMO vs. MDMA


MMO vs. MDMA

Après l’échec de Jessica Forever, le duo composé par Caroline Poggi et Jonathan Vinel revient avec un film davantage dans les clous. C’est autant une bonne qu’une mauvaise nouvelle : pour viser un public plus large, le tandem s’est délesté à la fois de certains travers et de ce qui faisait sa singularité. Eat the Night témoigne de cet assagissement à travers la partition qu’il opère entre réel et virtuel. D’un côté, le film montre la relation qu’entretiennent un jeune dealer d’ecstasy et sa petite sœur à l’intérieur de « Darknoon », un jeu de rôle multijoueur inspiré de World of Warcraft et de Final Fantasy XIV, dont les serveurs s’apprêtent à fermer pour toujours. De l’autre, le récit suit une intrigue romantique et vaguement mafieuse, qui voit le dealer et Night, son compagnon, être impliqués dans un dangereux règlement de compte avec une bande de narcotrafiquants. L’alternance entre les deux mondes promettait de creuser le sillon tracé par les précédents Poggi-Vinel, à savoir figurer le réel comme un monde numérique peuplé de pantins neurasthéniques. Il faut d’ailleurs reconnaître la sincérité de leur démarche : l’imagerie vidéoludique n’est, chez eux, pas une excentricité ou un gadget cosmétique, mais la matrice d’une mise en scène qui se nourrit du contraste entre la sensibilité exacerbée des corps adolescents et la chair désincarnée de leurs avatars.

On déchante hélas assez vite, à mesure que les séquences de jeu se révèlent au service d’un drame formaté, la partie machinima du film se résumant à des illustrations scénaristiques (par exemple, après un événement dramatique, la petite sœur se connecte sur Darknoon pour y laisser éclater sa colère). Il y avait pourtant matière à réaliser un beau mélodrame sur un frère et une sœur qui s’éloignent dans un monde numérique au bord de la désintégration. D’autant que le soin accordé au jeu en question, conçu pour l’occasion, se démarque du tout-venant du cinéma d’auteur, qui se contente d’habitude d’ersatz grossiers, et offre au film ses scènes les plus accomplies (l’ouverture et la fin, assez belles). Mais Eat the Night n’est pas Knit’s Island, ni même Martin Pleure, le court-métrage sentimental qu’a réalisé Vinel sur les routes de Grand Theft Auto V : travail de bon élève, ce deuxième long dirige son énergie dans la direction la moins stimulante, alors même que sa richesse se trouvait dans les contrées magiques de Darknoon, au bord d’un lac scintillant où décapiter à la chaîne quelques mobs.

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