Après la frénésie de Megalopolis et la voracité (plus canalisée) de The Substance, L’Amour ouf vient confirmer le penchant cette année de la compétition pour les films à l’appétit énorme. La comparaison s’arrête toutefois à cette observation liminaire, tant la gloutonnerie de Lellouche fait pencher cette fois la balance vers le grand n’importe quoi surchargé et pseudo-baroque. Dès sa scène d’introduction, qui fait entrelacer la tragédie, l’affrontement de gangs à la West Side Story et un ballet d’ombres figurant une fusillade (le meilleur plan ?), le film se présente comme un déluge d’effets divers et variés. La candeur le dispute à la démesure : teen movie, fresque opératique, comédie, mélodrame, tout y passe ou presque, pour composer à la fois un divertissement populaire et une œuvre ambitieuse inspirée par Cimino et Scorsese.
Drôle, le film l’est souvent malgré lui, même s’il ne faut pas nécessairement prendre chaque scène au premier degré (cf. la réapparition du personnage joué à l’âge adulte par Jean-Pascal Zadi, qui relève pour le coup du gag conscient). On rit beaucoup devant les arabesques du montage, les fondus enchaînés pétris de sérieux, un faux split-screen (la scène dans une salle de bain qui cite De Palma), les surgissements refniens de François Civil dans les arrière-plans de clubs crapuleux, l’esthétique de clip de rap ou les couchers de soleils sirupeux. L’Amour ouf tente des dizaines et des dizaines d’effets, dont au bas mot 90% sont ratés, et abonde de prestations hasardeuses d’acteurs bizarrement castés (tel Poelvoorde en parrain d’un gang de chasseurs racistes qui chante à ses heures perdues pour un public de vieilles dames). Si, au cours de cette quinzaine, on a beaucoup défendu les audacieux et les inconscients, on se dit tout de même ici que le surmoi et la retenue, c’est parfois pas mal aussi : L’Amour ouf est un bric-à-brac d’images publicitaires et pétaradantes, un chapelet de coups de forces m’as-tu-vu qui agace toutefois moins qu’il prête à sourire. À ce stade du festival, on pardonnerait presque aux boursouflures qui présentent le mérite de divertir par leur ridicule.