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Oh, Canada

Oh, Canada

de Paul Schrader

Oh, Canada

de Paul Schrader

Oh, raplapla


Oh, raplapla

Surprise : il n’y a aucun loup solitaire en quête de repentance dans Oh, Canada, adaptation par Paul Schrader de l’ultime roman de Russell Banks. Si le cinéma de Schrader change de disque, ce qu’il propose à la place s’avère hélas moins excitant que ses derniers faits d’armes (First Reformed, The Card Counter, Master Gardener). Oh, Canada retrace le parcours d’un documentariste fictif, Leonard Fife (Richard Gere), qui livre une ultime interview alors qu’il lutte contre un cancer. Si l’homme est bougon et agonisant, il se livre toutefois lors de cette entrevue, qui prend la forme d’un flux de pensées lui permettant de retraverser toutes les étapes décisives de sa vie. On comprend bien ce qui intéresse Schrader : Fife raconte sa vie à la manière d’un vieux scénariste sur son lit de mort. Par son récit oral, qui sert aussi de voix-off, il se concentre essentiellement sur plusieurs temps forts (un adultère, la réalisation d’un premier film remarqué, etc.), tout en effectuant de nombreux allers-retours entre différentes époques de sa vie, pour la recomposer comme bon lui semble. Schrader transite ainsi régulièrement du présent de l’interview vers la jeunesse de Fife, puis entre ses voyages à l’étranger et ses années d’enseignement, tout en ayant recours à de nombreux effets pour figurer les confusions de son personnage, par une alternance de la couleur et du noir et blanc, mais aussi des formats (16:9 et Scope). Le temps de quelques scènes, les acteurs échangent même leur rôle, Richard Gere surgissant parfois à la place de Jacob Elordi, qui interprète Fife dans sa vingtaine.

Présenté ainsi, Oh, Canada ressemble à un millefeuille, mais il se révèle aussi plat qu’une crêpe. La faute à une mise en scène en dents de scie, mais aussi à la semi-déstructuration du récit, qui sert avant tout un impératif d’efficacité narrative. À l’exception d’une poignée de raccords (notamment les face-à-face entre deux personnages à plusieurs décennies d’écart), cette série d’emboîtements temporels n’a rien de vertigineuse : elle alimente un film assez convenu, voire embarrassant dans sa manière de brosser certains passages de la vie du personnage avec précipitation. C’est le cas des scènes qui dévoilent le travail documentaire de Fife, auteur notamment d’un film intitulé « Massacre sur la banquise » où l’on assiste à l’exécution sanguinaire d’un phoque, filmée depuis un hélicoptère à la manière d’une vidéo sensationnaliste. Difficile de croire à l’œuvre de ce documentariste fantoche, et surtout d’être ému par son parcours romanesque, que Fife ne cesse lui-même de considérer exceptionnel (par de multiples effets d’annonce prétentieux en forme de « Vous n’êtes pas prêts… »), mais qui s’avère finalement assez commun et anecdotique. Comme le film.

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