On peut d’ores et déjà parier sur Young@Heart pour décrocher le Pari du Public de cette 6e édition de Paris Cinéma : visiblement emballés, les spectateurs claquaient des doigts, chantonnaient, riaient et pleuraient fort dans la salle. Pas étonnant, tant ce premier long métrage documentaire de l’Anglais Stephen Walker (également écrivain et réalisateur de reportages pour la BBC) sait brosser le public dans le sens du poil. Pour la qualité et la rigueur, en revanche, on repassera… L’idée, il faut l’avouer, est assez géniale : Walker a déniché une improbable chorale constituée d’octogénaires, dont le répertoire est pour le moins original… Des tubes de Sonic Youth, Clash, Talking Heads, Coldplay, James Brown, Sinéad O’Connor ou encore Bob Dylan sont interprétés avec un enthousiasme communicatif par des papys et mamys pleins de peps, qui font fi de la vieillesse et de la maladie pour porter un projet commun mené par un chef un peu fou.
D’où vient le problème, alors ? Un peu à la façon d’un Michael Moore, Stephen Walker ne s’embarrasse pas de nuances : outrageusement mis en scène et monté comme un reportage MTV, Young@Heart est incroyablement putassier. Toujours à la recherche de la réplique croustillante ou de l’anecdote tire-larmes, le réalisateur s’autorise des délires lourdingues (des faux clips tournés à la va-vite) qui résument à eux seuls l’esprit du film : provoquer une réaction émotionnelle immédiate chez le spectateur en évitant soigneusement toute réflexion sur le sens réel d’un tel projet. Par exemple, le chef de chœur n’est jamais véritablement interrogé sur les motivations qui l’ont conduit, une vingtaine d’années auparavant, à créer cette chorale. Pire, le film devient carrément nauséabond quand, l’âge et la maladie aidant, certains membres du groupe décèdent. On nage alors en plein pathos, sans pudeur ni recul, porté par la vigueur mystique d’une bonne partie de la communauté – aucune interrogation de la part du cinéaste à ce sujet, non plus. Impossible, alors, de ne pas verser une larme devant le sens que revêtent certaines chansons, évidemment pas choisies par hasard… Très probable carton en salles lorsqu’il sortira en octobre en France, Young@Heart donne pourtant envie de réécouter les tubes trash que la joyeuse bande écorche avec entrain… et également, de revoir les films de Raymond Depardon.