Tout comme Versailles et Dorothy, Lake Tahoe sortira en salles dans la foulée du festival Paris Cinéma (le 16 juillet). Judicieuse idée du distributeur que d’optimiser l’exposition du film, qui achève son parcours des festivals après avoir été primé à Sundance et Berlin avant un détour par la Semaine de la Critique à Cannes. Hélas, un CV aussi impressionnant ne garantit en rien le succès du film, critique ou public… D’autant plus que Lake Tahoe est une œuvre peu évidente, qui nécessite un minimum d’engagement de la part du spectateur. De patience, aussi…
Car Fernando Eimbcke, jeune réalisateur mexicain déjà remarqué en 2005 avec Temporada de Patos, prend tout son temps. Lake Tahoe enchaîne les plans larges et fixes, parfois très courts, souvent muets. De prime abord, il ne se passe rien dans ce film qui prend pour décor une minuscule ville perdue au fin fond du Mexique. Eimbcke filme un jeune homme, Juan, qui au petit matin plante sa voiture dans un lampadaire. Sa quête d’un garagiste prêt à lui venir en aide, puis de la pièce de rechange indispensable à la réparation de son véhicule, va l’entraîner aux confins de l’absurde. On rit pour ne pas devenir fou à sa place : rien ne va comme il le faudrait, et la patience du jeune héros – et du spectateur – est mise à rude épreuve.
Bien entendu, la journée infernale de Juan va révéler, par petites touches, que cet adolescent a une histoire, une famille et un drame récent qui contamine ses proches et qu’il semble vouloir oublier, coûte que coûte. Cette journée à devenir fou permet au contraire au jeune homme de garder la tête sur les épaules : la douleur, le chagrin, l’incompréhension dominent dans le cocon familial, qu’il s’applique à fuir. Progressivement, Lake Tahoe se révèle bien plus qu’un joli exercice de style (chaque plan est splendide, sorte de succession d’instantanés semblant sortir d’un reportage photo sur le Mexique). Eimbcke fait passer son message avec pudeur et sensibilité, tourne le dos aux effets superflus et parvient néanmoins, avec trois fois rien, à rendre palpables les sentiments contradictoires qui assaillent Juan et sa famille. Dans la torpeur de l’été, Lake Tahoe fera probablement une sortie discrète en salles avant de rejoindre la longue liste des beaux films méconnus… C’est bien dommage.