Ce sera peut-être le moment le plus fort de la compétition du Festival Paris Cinéma (bien qu’il reste encore beaucoup de films à découvrir !). Le nouveau film de Wang Xiaoshuai (Beijing Bicycle, Shanghai Dreams – Prix spécial du Jury à Cannes en 2005), lauréat de l’Ours d’argent au dernier Festival de Berlin, est une splendide réussite, un drame en apparence classique qui offre un regard inédit sur une partie de la société chinoise rarement vu à l’écran, la classe moyenne «supérieure» de Pékin, sans pour autant jouer la carte de la chronique sociale ou du mélo outrancier.
L’histoire, pourtant, vaut son pesant de cacahuètes : un couple divorcé doit faire face à la leucémie foudroyante de sa petite fille de cinq ans. Mei Zhu, employée dans une agence immobilière, est remariée à Lao Xie, un graphiste qui a élevé la petite HeHe comme sa propre fille. Son ex-mari, Xiao Lu, maître d’œuvre sur des chantiers, est remarié à Dong Fan, une hôtesse de l’air boudeuse et capricieuse, qui n’apprécie guère le passé de son époux – d’ailleurs, celui-ci voit peu son enfant, qui ne sait même pas qu’il est son père biologique. Mais pour sauver la petite HeHe, Mei Zhu et Xiao Lu vont devoir prendre des décisions qui auront des répercussions sur leurs vies personnelles, mais également sur celles de leur entourage.
Le miracle accompli par Wang Xiaoshuai est double : celui d’émouvoir sans jamais tirer sur la corde sensible (une gageure vu le potentiel mélodramatique du sujet) et, parallèlement, de brosser par petites touches le portrait d’une société moderne, active et ouverte, qui doit composer – souvent inconsciemment – avec l’héritage culturel et politique du pays. Chaque personnage est merveilleusement travaillé, naviguant dans des zones de gris qui les rend imparfaits, touchants et agaçants à la fois – humains, en somme. Même le plus ingrat d’entre tous, l’hôtesse de l’air Dong Fan, est dessiné avec acuité et compassion. Toutes ces nuances, accentuées par une mise en scène toute en douceur et une lumière hivernale parfaitement adaptée, font d’Une famille chinoise (présenté à Paris Cinéma sous son titre international, In Love We Trust) l’une des plus beaux moments cinématographiques de l’année. On en reparlera lors de sa sortie en salles en France, en novembre.