Présenté au dernier Festival de Cannes dans la sélection « Un Certain Regard », le premier long métrage de Pierre Schoeller s’immisce dans la compétition de Paris Cinéma avant sa sortie en salles, le 13 août prochain. Les festivaliers cannois parlaient d’une belle surprise et, effectivement, le film pourrait bénéficier de son audacieuse contre-programmation estivale et séduire un public cinéphile lassé des Batman et Hulk.
Le charme de Versailles réside avant tout dans sa capacité à traiter un sujet fort et extrêmement casse-gueule sans jamais tomber dans les travers redoutés. Nina, une jeune SDF, est recueillie avec son petit garçon Enzo par un centre d’accueil versaillais. Après une première nuit, mère et fils s’aventurent dans les bois autour du château et y rencontrent Damien (Guillaume Depardieu), qui vit seul et isolé dans une cabane de fortune. Un beau matin, Nina disparaît sans crier gare. Damien et le petit Enzo vont alors apprendre à se découvrir et, peut-être, quitter les bois pour se construire un avenir.
Pierre Schoeller est, à n’en pas douter, un cinéaste généreux. Ses personnages ne sont jamais caricaturaux et sa vision du monde évite tout manichéisme, avec un souci de réalisme habilement tempéré par un récit qui n’hésite pas à tutoyer l’univers des contes. Le petit Enzo est recueilli par Damien et, avec lui, une galerie de personnages « en marge », que l’on devine pour la plupart interprétés par des amateurs. Dans les bois, la petite communauté évoque une version contemporaine du conte Boucle d’or et les trois ours. Miraculeusement, Schoeller parvient à chaque instant à contourner le mélo en limitant ses effets au strict minimum, le potentiel dramatique de l’histoire se suffisant amplement à lui-même. S’il n’évite pas toujours les dialogues un peu pesants, parfois trop lourds de sens, il réussit à imposer un point de vue qui tranche avec les discours simplistes sur les marginaux et la réinsertion. Porté par des comédiens épatants (Guillaume Depardieu et le petit Max Baissette de Malglaive en tête), Versailles est bouleversant sans jamais chercher à l’être. Un succès public serait amplement mérité.