Un jour, sur le plateau d’Europe 1, Marc-Olivier Fogiel a eu cette réplique gravée dans toutes les mémoires : « Mais vous n’aimez rien à Critikat. » Pour notre défense, il faut dire que la Mostra débute piano piano, nos billets en témoignent – cependant, on évoquera très bientôt Polanski et Cronenberg qui ont proposé des films solides en compétition. Mais, pour l’heure, dans la section Orizzonti, on a découvert Snow Canon de Mati Diop – dont on avait vu Atlantiques à Cinéma du Réel en 2009, pas franchement inoubliable. Ce nouveau film – un court-métrage fictionnel – s’avère quant à lui tout à fait enthousiasmant, un geste singulier, généreux et truculent, dégageant une conviction communicative.
Vanina, une adolescente, s’ennuie ferme dans un chalet. Il n’y a guère que les dialogues via Internet (très drôles) avec sa copine en vacances de l’autre côté de l’Atlantique pour se transporter au-delà d’un horizon barré par de vertigineuses parois rocheuses. Ce jeu spatial constitue la première riche idée : le virtuel comme espace de projection vers un ailleurs, un lieu de frustration disposant aussi du grand intérêt de libérer les fantasmes et de permettre exagérations et mensonges, petits et grands ; à un âge où il s’agit de s’inventer une présence au monde. Dans le réel, une « babysitter » pour ado se pointe : une Américaine nommée Mary Jane, que Vanina considère, via sa messagerie, comme suit : « G LA CALCUL PA C JUST 1 FEM 2 MENAGE. » Sauf que les choses ne vont pas en rester là. Des jeux de séduction, d’abord vachards, on va passer aux travaux d’approche, et même plus.
Le charme de Snow Canon tient également à la très belle tenue d’une mise en scène inventive, ne se cantonnant pas à un geste, mais qui, au contraire, trouve une heureuse capacité de déploiement. Les séquences comme les plans, très solides dans leurs constructions sans qu’ils paraissent « fabriqués » ou « bétonnés », se chargent d’une atmosphère et d’une dramaturgie d’où émergent vibrations et troubles, tout en maintenant la singulière légèreté de ce récit que l’on pourrait qualifier de conte initiatique. Quel joyeux sentiment de sortir d’une séance avec l’intime conviction d’avoir mis la main sur une cinéaste de valeur. On compte sur elle.