Avec The Invader, le Belge Nicolas Provost mêle deux grands thèmes qui on fait le bonheur (parfois) et le malheur (souvent) de nombreux cinéastes : d’un côté, le triste sort des travailleurs clandestins ; de l’autre, l’obsession d’un homme pour une femme qui le surplombe par son statut social. Le film joue avec les clichés relatifs aussi bien aux Africains qu’à leurs exploiteurs ou à la bourgeoisie. Il parvient dans un premier temps à les revigorer, avant de s’embourber de plus en plus dans une série de laborieux passages obligés.
Cette fréquente maladresse dans le traitement de son sujet ne devrait pourtant pas occulter le chemin très personnel que trace The Invader à travers ses thématiques déjà très balisées. Quiconque connaît un peu la filmographie de Provost ne s’étonnera pas de la façon atypique et parfois dérangeante dont il les aborde. Scénaristiquement, il resserre les oppositions blanc / noir, organisme hôte / corps étranger, riche / pauvre autour de questions libidinales. Ce n’est globalement pas très abouti, mais cela donne lieu à quelques moments de décrochage saisissants, comme cette étonnante scène d’ouverture, dévoilant un personnage et un lieu sur lesquels le film ne reviendra jamais.
Visuellement, on se situe dans un régime qui donne autant d’importance à la connotation qu’à la dénotation ; par le jeu des textures, des couleurs et des formes, les figures avec lesquelles le cinéaste joue acquièrent une présence assez captivante. La construction du film à une échelle plus large force également un minimum de respect ; des moments presque naturalistes s’y heurtent à des cadres froidement composés, donnant corps à une figuration de la vie urbaine qui, dans ses contradictions, touche à une certaine vérité. Dommage qu’il soit nécessaire, pour accéder aux belles idées de cinéma que recèle The Invader, de payer le prix de quelques pénibles moments d’égarement.