La complexité des liens familiaux et intergénérationnels constitue l’un des thèmes de prédilection de Ann Hui, ces aspects traversent également son dernier film, avec une certaine singularité. Au service d’une famille fortunée depuis quatre générations, Ah Tao approche du grand âge ; suite à des soucis de santé, elle est contrainte d’intégrer une maison de retraite. Un lien indéfectible l’unit à Roger, golden boy appartenant à ladite famille. Ce dernier lui procure un accompagnement attentionné, ceci alors qu’il est pris par les feux d’une vie trépidante – c’est dire : il appartient au milieu du cinéma de Hong Kong. Trois configurations vont alterner pendant 117 minutes : l’un et l’autre séparés, dans leur existence propre, et les moments passés ensemble.
A Simple Life se déploie comme un mélodrame, mais il brouille cette piste en y inscrivant des éléments d’une tendre comédie. Certes venue de Hong Kong, une « autre » Chine, cette recherche d’une tonalité médiane représente un intérêt certain pour un pays bien souvent saisi dans toute son âpreté lorsqu’il s’agit d’ouvrir une fenêtre contemporaine sur lui : son histoire traumatique, les tensions entre tradition et modernité, sa géopolitique intérieure, les structures familiales, son singulier capitalisme autoritaire, la conflictualité sociale, etc. Certes discrètement, la cinéaste intègre l’ensemble de ces problématiques à son métrage.
Entre plans très installés et filmage vériste (notamment pour saisir la vieillesse) plus vibrant, le geste de Ann Hui se met au service d’une captation sensible faisant se rencontrer prosaïsme et formalisme, avec une indéniable tenue d’ensemble. L’aiguillon de la cinéaste s’apparente à un désir de justesse et de délicatesse, mais ceci devient programmatique et pèse sur A Simple Life ; il y a comme une redite perpétuelle dans cette recherche d’équilibre entre les tonalités narratives et esthétiques. Si le film suscite une forme de politesse, on a aussi l’impression d’être en présence d’un objet lisse et mollasson.