Première fiction pour le tandem de documentaristes australiens Bentley Dean et Martin Butler, Tanna, du nom de l’île des Vanuatu qui en est le décor, est présenté comme le premier long métrage de fiction entièrement tourné dans cet archipel. Ce sont d’authentiques aborigènes de l’île, de la tribu Yakel, qui jouent cette histoire paraît-il tirée de faits réels, mais à laquelle on trouvera de forts accents de Roméo et Juliette. On trouvera surtout qu’en dehors du gage d’authenticité fourni par ces interprètes, par la reconstitution qu’on leur fait jouer de leur coutumes, le film n’a pas grand-chose à proposer hormis un regard de guide touristique un brin condescendant, réduisant son matériau réel à des accessoires à exposer, et son matériau fictionnel à un prétexte grossier pour cette exposition. De la mise en images ne s’animant que pour se rengorger de la nature alentour (notamment du volcan, théâtre de scènes cruciales) à la molle direction d’acteurs incitant à rejouer des versions assagies, machinales des interactions sociales et des pratiques ancestrales, tout ici paraît singulièrement dévitalisé, informe et (pour tout dire) faux. Même un commentaire ironique sur des aborigènes convertis au christianisme sonne comme un gag, moins en faveur du mode de vie traditionnel qu’aux dépens des convertis (ce qui ne le rend pas si sympathique). Et à la fin, l’apparition de quelques propositions modernistes dans les traditions ancestrales ressemble à une formalité de scénario sans plus d’enjeu que le reste. L’impression d’avoir assisté à un gros attrape-touriste ne se dissipe pas, et la présence dans la salle, sur l’île du Lido, de quelques acteurs du film en costumes traditionnels (pagnes et couronnes de feuilles de rigueur), offerts aux applaudissements du public friand d’exotisme, accentue l’amertume qu’on garde dans la bouche.