Wen est un homme âgé, prisonnier politique, libéré après des années d’incarcération. Un elliptique montage raccorde son départ et son retour en laissant vide le palier de sa maison. C’est l’idée très convenue qui ouvre The Return, le premier long-métrage du jeune réalisateur de Singapour, Green Zeng, qui est par ailleurs un artiste pluridisciplinaire (arts visuels, théâtre, cinéma). Il s’intéresse tout particulièrement aux relations entre l’historiographie, l’identité et le paysage (voir greenzeng.wordpress.com), comme The Return en est l’expression : on comprendra que Wen a été arrêté car il a été présumé communiste, et que cette présomption repose sur les origines chinoises de celui qui est un exilé à Singapour. Zeng revisite donc les relations géographiques et politiques de son pays, par la figure d’un vieil homme qui revient chez lui où il est un exilé.
Parmi ses travaux, les photos de la série « An Exile Revisits the City » (2011) semblent constituer une sorte de version préparatoire de The Return puisque la série de 15 photographies explore la construction de l’histoire et de l’identité de Singapour à travers une installation photographique qui prend la forme d’un récit du voyage de l’exil vu à travers la ville et l’exilé. Le film s’inscrit clairement dans la continuité de cette série : au premier chef parce que celui-ci enchaîne une suite de plans brefs, qui ne sont cependant pas d’une sidérante photogénie et qui témoignent d’un faible pour la figure vue de dos face au paysage (la Rückenfigur romantique à la Caspar David Friedrich). Ce n’est pas la seule limite de ce film bancal.
Le programme théorique annoncé pâlit aussi, le film ne faisant en réalité pas le poids : difficulté à articuler les éléments ensemble, succession de plan vides et peu expressifs narrant une errance, une forme d’« estrangement » de Wen liée à la ville et à ses mutations, comme à ses enfants qui sont devenus adultes. Zeng articule ainsi passé et présent par le recours encore à des perceptions hallucinatoires du personnage principal qui font irruption dans le réel pour rendre compte du trauma subi lors de son incarcération.
Au bout du compte, le film pécherait presque par deux côtés : d’une part, excès de simplicité dans la forme adoptée et dans l’image assez plate ; d’autre part, excès de complication dans l’intrigue (mélodrame social lié au fils et à son travail, augmenté d’une problématique liée à la croyance) et ses enjeux. Il ne nous fait pas sentir une forme de mélancolique tragédie du paysage, ni le poids du passé ni les mutations sur celui-ci.
Le dernier plan du film, une ligne de fuite en diagonale dans le cadre avec le personnage qui s’en va dans la profondeur de champ, déçoit par son procédé ici aussi plutôt convenu. Quand en plus de tout cela le réalisateur cherche à articuler maladroitement une hypothétique dimension mystique (l’entrée dans une église par Wen à la fin qui raccorde avec un gros plan d’une Pietà), comme une hypothétique dimension calligraphique (des tâches d’encre à plusieurs reprises sont filmées), laquelle est liée au « flow » du film et au temps pour le réalisateur, on se dit que The Return, décidément, à trop vouloir embrasser manque son horizon. C’eût été un comble qu’il soit par conséquent programmé dans la sélection Orizzonti, mais il fait partie, fort heureusement, de la Semaine de la critique.