Free in Deed est le quatrième film du jeune réalisateur néo-zélandais Jake Mahaffy qui a réalisé WAR (2004, Sundance), Wellness (2008, Grand Prix du Jury, SXSW), et Miracle Boy présenté en 2012 au Festival de Venise. Ici il est plutôt question d’un anti-miracle.
Free in Deed est tiré d’un fait divers qui s’est déroulé en 2003 à Memphis, Tennessee : la mort d’un jeune garçon dans le cadre de séances thérapeutico-spirituelles menées par des pentecôtistes.
Disons-le cependant tout de suite, l’ouverture souffre des mêmes effets récurrents utilisés dans les films auteurisants en plaçant le film sous la double égide d’« actual events » mis en regard de citations (bibliques) programmatiques. Ici, la Genèse donne la ligne générale : « Car, encore sept jours, et je ferai pleuvoir sur la terre quarante jours et quarante nuits, et j’exterminerai de la face de la terre tous les êtres que j’ai faits. Noé exécuta tout ce que l’Éternel lui avait ordonné. » (7, 4 – 5).
Que dit cette citation ? Un plan divin incompréhensible ; mais aussi un homme qui agit au nom de Dieu, qui répond à l’ordre qu’il lui a donné. La citation liminaire place donc le film sous les auspices d’une toute-puissance divine et d’une liberté humaine paradoxalement obéissante. C’est la question d’un acte qui intéresse Mahaffy, d’un acte libre, d’une liberté en acte (« Free in deed »), non soumise, ou plutôt l’articulation de cette liberté à une forme de soumission.
Signalons à ce titre que le réalisateur est docteur en philosophie, et qu’il s’engage ici à traiter d’une sempiternelle et vaste question. Le terme « deed » qui donne son titre au film définit un acte intentionnel, qu’il soit bon ou mauvais. L’acte examiné par Mahaffy est un cas d’espèce provenant certes d’un faits divers, mais qui est universalisable ; c’est d’ailleurs l’exemple même indiqué par le Cambridge Dictionnary au terme « deed » : « It seems to me that a lot of evil deeds are done in the name of religion » (il me semble que beaucoup de mauvais actes sont réalisés au nom de la religion). C’est l’exact propos du film.
Le film expose par son scénario et sa mise en scène ce cas au sein d’un ensemble de personnages mis en situation de poser des actes individuels mais aussi collectifs : l’acte d’Abe (David Harewood), s’il l’engage individuellement (comme lorsqu’il refuse de se soumettre au désir de la mère du jeune garcon Benny, Melva, interprétée par Edwina Findley), est néanmoins à prendre en compte au sein d’une collectivité, celle d’un groupe religieux (ainsi, la femme âgée qui fait des « bonnes actions » à l’image du groupe auquel elle appartient). Les séances de guérison de Benny en proie à une sorte d’autisme sévère, vont bien aussi dans ce sens, articulant l’individuel au collectif. Les personnes engagées dans cet acte agissent pour un présumé bien : le guérir, par leurs séances d’exorcisme, de ce qu’il considèrent être une possession.
Nous conviendrons que le film ménage un véritable contre-effet, prenant à revers tout attendu puisque Benny décède lors de la séance qui clôture quasiment le film – alors que nous nous attendions à une sorte de miracle, la guérison du jeune garcon –, comme il surprend ponctuellement, évitant certains écueils mélodramatiques (l’attendu de la relation amoureuse entre Abe et Melva). ll tombe néanmoins dans une forme de surcharge sociale (en faisant perdre son emploi à Melva), et donne difficilement à appréhender – ce qui est plus dommageable ici puisque c’est le coeur du film – le coeur de la responsabilité d’Abe dans cette histoire. Pourquoi lui et pas un autre ? Le film vire à une sorte de mauvais exercice pratique d’application d’un sophisme philosophique réduisant sa liberté à la fois à une liberté aliénée par la religion et un désir de toute-puissance, acte dont, à l’arrivée, il est le seul à devoir répondre. Le propos du film semble aussi se déplacer vers l’énigme de la mort, ce qui fait que finalement, le film perd en force de frappe à vouloir embrasser trop de questions, tout en ne les traitant pas à plein.
Cinématographiquement parlant – car il en a été très peu question, et à raison –, Free in Deed est d’un académisme effrayant usant des procédés les plus notoires et convenus du mauvais cinéma américain : invoquons aussi bien l’économie et la narration générales, le montage (ainsi, le montage alterné des vies respectives d’Abe et Melva dans la première partie du film avant leur rencontre), que le jeu sur-expressif des personnages virant au pathos. À cela s’ajoute le mélange entre une tendance documentaire, celle de montrer des storefront churches (des églises qui sont hébergées dans des immeubles aux devantures commerciales), où s’adonnent des rituels excessivement pathétiques, et celle d’un mysticisme éthéré (flou, lumière saturée, poudroiement, gros plans plans végétaux,…) – indeed.