Du 13 au 22 novembre prochain, la vingtième édition des Rencontres Cinématographiques de Seine-St-Denis proposent une relecture des œuvres de Claude Chabrol mais aussi de (re)découvrir des cinéastes moins connus comme Édouard Luntz, disparu en février dernier, ou encore l’Italien Silvano Agosti dont le film, Le Jardin des délices, sera bientôt édité en DVD par les éditions La Vie Est Belle.
Claude Chabrol
On ne présente plus Claude Chabrol, ni les nombreuses rétrospectives qui lui ont été consacrées. L’originalité des Rencontres de Seine-Saint-Denis, qui en font leur invité d’honneur, est de placer certains films méconnus sous les feux de la rampe : si la collaboration du réalisateur avec Isabelle Huppert n’a presque plus de secret pour les festivals, peu de ces derniers se retournent vers les premiers films de Chabrol (on pense notamment à À double tour qui traçait la voie d’une représentation très personnelle de la folie), ou ceux de sa période « pompidolienne » (soulignons Les Noces rouges) : avant Huppert, il y a eu Stéphane Audran et ses personnages de parvenues meurtrières, avant les dures, les lascives… joli programme pour démarrer une (re)découverte de l’ami des bonnes femmes.
Silvano Agosti
« Cinéaste clandestin », comme il se définit lui-même, Silvano Agosti est aussi une voix qui crie dans le désert. Lequel désert est une société consumériste uniformisée dans la médiocrité par la minorité au pouvoir. Un brin anarchiste, donc, frondeur, et « auteur » qui refuse que ses films entrent dans le circuit traditionnel des salles de cinéma, Silvano Agosti est entré en cinéma avec Les Poings dans les poches, de Bellocchio, dont il a fait le montage. En 1967 son premier long métrage est lynché par la critique et mutilé par la censure : il faut dire que le Vatican avait vu d’un très mauvais œil cette charge anticléricale qu’était Le Jardin des délices. Chef d’œuvre maudit, véritable trip dans les enfers… d’une nuit de noce, le film fut encensé par le public au festival de Pesaro, et fut considéré à l’exposition universelle de Montréal de 1967 comme l’un des dix meilleurs films de l’année. Le jury était composé de Jean Renoir, Fritz Lang, John Ford, Glauber Rocha, Dusan Makaveiev et Monte Hellman : excusez du peu… Après avoir vu, Ingman Bergman prit Agosti entre quatre yeux pour lui interdire d’arrêter le cinéma, et bien lui en prit : une quinzaine de longs métrages plus tard, le cinéma d’Agosti, s’affirme toujours plus comme le lieu d’une réflexion contestataire capable de donner aux gens le sens de leur dignité, véritable but du cinéma pour lui. Son cinéma regarde vers Dreyer, Buñuel ou Pasolini, vers Bresson, Bergman ou Tarkovski. Il est plus en marge de la cinéphilie classique, pourtant, mais mérite sans aucun doute qu’on tourne nos regards vers lui.
Édouard Luntz
Les Rencontres cinématographiques de la Seine-Saint-Denis rendent hommage à Édouard Luntz en projetant ses films réalisés dans les années 1960 et 1970 : une production aujourd’hui trop méconnue au regard d’une qualité formelle indéniable et de la pertinence d’un regard sensible et sincère sur la marginalité sociale. Si certains heureux spectateurs ont pu découvrir un échantillon de son travail en 2007 dans le cadre de festival CinéBanlieue à Saint-Denis, le caractère itinérant des Rencontres va permettre cette année aux films de Luntz de voyager dans les salles du 93 pour conquérir, on l’espère, le cœur d’un plus vaste public. La disparition du cinéaste en février dernier donne évidemment à cette rétrospective un accent nostalgique. Mais voir les films d’Édouard Luntz, c’est avant tout plonger dans un univers aux confluents des styles, entre éclats de réel et élans poétiques, dans un univers en marge des modes dominantes de son temps, entre cinéma-vérité et Nouvelle Vague.