La sortie sur nos écrans du dix-huitième film d’André Téchiné marque l’occasion de revenir sur l’œuvre riche et diversifiée d’un des réalisateurs français les plus importants de ces trente dernières années. Directeur d’acteurs réputés (il a travaillé avec les plus grands noms du cinéma français), André Téchiné se distingue aussi par une mise en scène stylisée et généreuse. Mais l’exigence formelle reste ici toujours au service d’un humanisme complexe et lucide.
Né dans une petite ville du sud-ouest de la France en 1943, André Téchiné s’installe à Paris pour tenter le concours d’entrée de l’IDHEC (la future Fémis) où il est refusé. Peu de temps après, il intègre l’équipe des Cahiers du Cinéma après avoir envoyé une critique de La Peau douce de François Truffaut. Il quitte la rédaction en 1967, peu convaincu par l’engagement maoïste de ses collaborateurs. Après avoir réalisé un court-métrage, Les Oiseaux anglais, André Téchiné se lance dans son premier long en 1969 avec l’actrice Bulle Ogier qu’il avait rencontrée sur le tournage des Idoles de Marc’O deux ans plus tôt. D’inspiration bergmanienne, ce premier film, au très beau titre Paulina s’en va, est à l’image de ce que seront les premiers films du réalisateur : tous très référencés, ils sont la preuve d’une grande cinéphilie et d’un goût immodéré pour les figures du théâtre.
1969 – 1979 : les films de genre
Réalisé en 1969, Paulina s’en va ne sortira réellement sur les écrans que six ans plus tard, suite au succès public de Souvenirs d’en France, réalisé en 1975. Pour qui connaît le cinéma d’André Téchiné depuis le début des années 1980, cette œuvre onirique servie par la composition lunaire de Bulle Ogier a de quoi déconcerter. Loin d’un certain réalisme qui caractérise les œuvres de Téchiné les plus connues, Paulina s’en va marque d’emblée une ambition esthétique presque clinique. Son scénario – axé sur le parcours d’une jeune femme qui sombre peu à peu dans la folie – n’est pas sans rappeler l’un des chefs d’œuvre d’Ingmar Bergman, Persona, réalisé quelques années plus tôt. Le cinéaste suédois restera d’ailleurs une influence déterminante dans le cinéma de Téchiné où il est cité à plusieurs reprises (on pense notamment à la passion de François dans Les Roseaux sauvages pour le film À travers le miroir). Ce premier film trop méconnu, qui ne bénéficie encore d’aucune édition DVD et ne passe que trop rarement sur les chaînes du câble, est pourtant à voir comme la genèse d’une œuvre en devenir. Au croisement d’une mise en scène très référencée et d’une authentique volonté d’atteindre l’humain, Paulina s’en va est un très beau témoignage de l’ambition de Téchiné à concilier exigence formelle et liens privilégiés avec ses acteurs.
Les trois films réalisés par la suite dans les années 1970 sont d’étonnants témoignages de la culture cinéphilique et théâtrale du réalisateur. Souvenir d’en France (1975) est le premier long-métrage à bénéficier d’une distribution normale. Projet soutenu par l’actrice Jeanne Moreau qui tient ici le rôle principal, le film s’octroie un joli succès critique et public et permet au réalisateur d’enchaîner rapidement sur son troisième long-métrage, Barocco, avec deux jeunes acteurs déjà plébiscités par la profession : Isabelle Adjani et Gérard Depardieu. Souvenirs d’en France, comme son titre l’indique, est une chronique ou plutôt une saga, celle d’une famille d’immigrés espagnols qui, dans les années 1930, fait fortune. Leur blanchisseuse (Jeanne Moreau) s’introduit peu à peu dans le cercle fermé jusqu’à devenir le chef de famille. Cette destinée hors du commun, André Téchiné la remet systématiquement dans un contexte historique : du Front Populaire de 1936 aux Trente Glorieuses en passant par la Seconde Guerre mondiale, il s’agit bien d’une partie de l’Histoire de France que le réalisateur dépeint à travers le quotidien d’une femme qui a gravi peu à peu tous les échelons sociaux. Inspirée du théâtre de Brecht, la mise en scène de Téchiné se refuse ici au réalisme. Privilégiant les décors et les lumières d’inspiration baroque, Souvenirs d’en France est davantage un film de figures que de personnages. Le jeu outrancier des acteurs – on pense notamment à la célèbre scène où Marie-France Pisier s’écrie « Foutaises ! Foutaises !» à la sortie du cinéma – joue également sur ce décalage puisé dans ces références théâtrales. Barocco, son long-métrage suivant, fait partie de ce même univers. Si le cadre se veut réaliste – une élection, des manigances électorales, une vente d’informations – Barocco est avant tout une histoire d’amour passionné entre Laure (Isabelle Adjani) et Samson (Gérard Depardieu), un boxeur rapidement assassiné. La rencontre de la jeune femme avec un autre homme qui se révèle être le sosie de l’amant disparu donne au film une dimension onirique, voire cauchemardesque, ce que la froideur des décors vient amplifier.
Malgré l’échec public du film, André Téchiné s’entoure de jeunes acteurs très prometteurs pour son film suivant, Les Sœurs Brontë (1979). Il s’agit d’ailleurs du seul film qui réunisse Isabelle Adjani et Isabelle Huppert (qui incarnent respectivement Emily et Anne Brontë), auxquelles viennent s’ajouter Marie-France Pisier (Charlotte Brontë), Pascal Greggory (Branwell Brontë, le frère maudit) et de prestigieux seconds rôles tenus par Hélène Suggère et Roland Barthes, l’auteur du passionnant Fragments d’un discours amoureux avec lequel André Téchiné a toujours entretenu des relations privilégiées. Le film, s’il peut pâtir de ce formalisme un peu froid qui caractérisait déjà ses précédents projets, témoigne d’un vif intérêt pour les passions humaines et la fatalité. En s’axant sur la biographie de la famille Brontë maintes fois confrontée au deuil et à l’isolement, André Téchiné pose déjà un regard d’une acuité terrible sur le rapport opposant l’individu au monde. Une décennie après la réalisation de ces quelques films, le réalisateur revenait sur ces trois projets qui se distinguent radicalement des films qui suivirent : « Je crois que Souvenirs d’en France, Barocco et Les Sœurs Brontë ont été faits, sans que je le sache, pour que j’en finisse avec des questions de genre. Souvenirs d’en France est une sorte de saga, de chronique familiale. Barocco relevait plutôt du film noir, de tout un héritage à la fois expressionniste et américain, et Les Sœurs Brontë du film historique, de l’adaptation littéraire, de la question de la biographie au cinéma (mais pas de l’autobiographie comme dans Souvenirs d’en France). Ces films-là étaient pour moi, par le biais de la stylisation, une façon de m’approprier ces genres, d’affirmer mon amour de l’artifice et de la magie du cinéma. C’est là leur limite à mes yeux. Ce sont des films trop nourris par le cinéma, trop fermés sur le cinéma…» Cette autocritique peut se justifier dans la mesure où dès le début des années 1980, André Téchiné fait une rencontre artistique qui va profondément modifier son rapport au cinéma : l’actrice Catherine Deneuve avec qui il tournera cinq films parmi les plus aboutis.
Naissance d’un auteur et une rencontre déterminante : Catherine Deneuve
Lorsqu’en décembre 1981, André Téchiné sort son cinquième long-métrage sur les écrans, Hôtel des Amériques, on sent clairement la rupture dans l’œuvre du cinéaste. Si ses précédents films entretenaient une certaine abstraction sur la localisation géographique de l’action, Hôtel des Amériques, comme son nom l’indique, est quant à lui parfaitement ancré dans la réalité. En prenant pour cadre une chambre d’un petit hôtel de Biarritz hors saison, André Téchiné se défait d’un maniérisme qui pouvait caractériser jusqu’ici son cinéma pour atteindre avant tout l’humain. Le choix de ses acteurs dénote également d’un changement. Si Isabelle Adjani ou encore Jeanne Moreau pouvaient jouer d’une distance presque fantomatique, les compositions de Catherine Deneuve et de Patrick Dewaere sont à fleur de peau. Entre mélancolie de l’actrice et le jeu physique et torturé de l’acteur, Téchiné prouve qu’il fait davantage confiance à ses interprètes pour incarner son film. Hôtel des Amériques, outre la bouleversante histoire d’amour qu’il raconte, signe la fin d’une retenue. Téchiné n’a plus recours aux artifices pour nous raconter une histoire, il se donne tout simplement à nous, en toute sincérité. Du coup, les choix de mise en scène, s’ils étaient clairement posés en avant lors des précédents films, ne font plus écran entre les personnages et le spectateur. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il s’agit du premier de ses films dans lequel apparaît un personnage clairement identifié comme homosexuel, révélant de fait une préoccupation intime du réalisateur. Si ce personnage n’est que secondaire dans l’intrigue, il n’en reste pas moins le révélateur du trouble qui anime Patrick Dewaere et qui pourrait expliquer l’impossible aboutissement de son histoire d’amour avec Deneuve. Le cinéma d’André Téchiné n’a jamais fait preuve d’un optimisme débordant. Pourtant, au-delà des thèmes de la solitude et des passions contrariées qui ne cessent de nourrir le cinéaste, ces quelques films sont tous animés par cette même quête : un apaisement des tensions qui passe par une réconciliation avec soi-même.
Le second film qu’André Téchiné réalise en compagnie de Catherine Deneuve n’est autre que le très beau Lieu du crime (1985). Cette nouvelle expérience lui permet de développer de nouvelles thématiques comme la question de la filiation, du rapport à la mère (qui sera une nouvelle fois traité dans Ma saison préférée et Les Roseaux sauvages), de la quête d’une image masculine pour l’adolescent (le père, le grand frère, l’amant), véritable leitmotiv de l’œuvre de Téchiné que l’on retrouvera dans des projets aussi différents que Rendez-vous, Les Roseaux sauvages, Les Voleurs, Les Égarés ou encore Les Temps qui changent. Dans Le Lieu du crime, Thomas, un adolescent de 14 ans, se prend d’amitié pour un fugitif, Martin (Wadeck Stanczak), qu’il décide de cacher et duquel sa mère (Catherine Deneuve) va tomber amoureuse. Ce « lieu du crime » n’est pas lié, comme on pourrait le croire, à la raison pour laquelle Martin fuit la police, tout comme le titre du film Les Voleurs ne trouve pas sa seule justification dans les activités de contrebande de la famille Fontana. Chez Téchiné, le geste qui définit n’est en fait qu’affect. Ce lieu du crime dont il est finalement question dans le film-titre, c’est cette scène où le jeune adolescent surprend sa mère en train de faire l’amour avec le fugitif. Cette relation triangulaire entre la mère, l’amant et l’enfant, aux évidents relents incestueux, sera également au centre des Égarés, vingt ans plus tard, et tout autant source de déception pour l’enfant finalement trahi dans sa quête fraternelle (ou amoureuse). Le Lieu du crime est aussi le premier long-métrage où André Téchiné filme généreusement la campagne de son sud-ouest natal. L’intense sensualité qui découle de ces images solaires et qui marquera la patte du réalisateur dans les films à venir (Ma saison préférée, Les Roseaux sauvages, Les Égarés mais aussi Les Témoins) souligne un évident contraste avec les films où la grisaille parisienne est synonyme de repli sur soi, d’incapacité totale pour les personnages de naître (Rendez-vous, J’embrasse pas, Alice et Martin).
Le fossé générationnel ou comment apprendre à devenir adulte
En 1984, André Téchiné réalise Rendez-vous et révèle une Juliette Binoche intense et fiévreuse encore très peu connue du grand public. La jeune actrice interprète une apprentie comédienne montée à Paris pour prendre des cours. Deux jeunes hommes tombent passionnément amoureux d’elle dont l’un (incarné par Lambert Wilson) la malmène en jouant constamment avec la mort. Actrice médiocre parce qu’elle ne sait pas encore canaliser la somme d’émotions qui la submerge, elle est prise sous l’aile d’un metteur en scène de théâtre vieillissant (Jean-Louis Trintignant) endeuillé par la mort tragique de sa propre fille. Grande sœur du jeune comédien monté à Paris dans J’embrasse pas (1991), Rendez-vous est à proprement parler le premier film sur l’apprentissage selon Téchiné. Une situation de départ : un personnage, tout juste sorti de l’adolescence, chahuté par d’intenses sentiments, ne cesse de se heurter la tête contre les murs en tentant de devenir adulte. De cette situation tourmentée, André Téchiné ne cherche en aucun cas à en défaire les nœuds pour plonger finalement ses personnages dans une lumière dont ils étaient privés. Le parcours sinueux et torturé que sa caméra scrute aboutit le plus généralement à une acceptation de sa propre souffrance comme outil de maturité que comme réel handicap. Mais cette compréhension / acceptation de soi n’est possible qu’en écho à d’autres personnages. Que ce soit dans Rendez-vous ou dans J’embrasse pas (où l’apprenti comédien qui survit en se prostituant est pris sous l’aile d’un homme mûr, joué par Philippe Noiret), la jeune génération trouve un équilibre en se frottant à plus expérimentée qu’elle et apporte en contrepartie une fougue, un déluge de sentiments passionnés que le temps et la vieillesse ont souvent le tort de trop tempérer. Cette réciprocité fait toute la richesse des rapports humains dans les films de Téchiné que l’on qualifie du coup d’une rare générosité quand le cinéma français, dans son ensemble, tend trop souvent à privilégier le cloisonnement pour faire exister le mal-être de ses personnages. Plus que pour n’importe quel autre cinéaste, on peut parler ici de personnages pluriels, c’est-à-dire de personnages qui n’existent et qui n’évoluent que par écho aux autres.
Dans Les Innocents, le schéma est pratiquement le même que celui de Rendez-vous : une jeune femme (Sandrine Bonnaire, intense), nouvelle arrivante à Marseille, est partagée entre deux hommes : le regretté Simon de La Brosse, qui incarne un jeune militant du Front National, et Abdellatif Kechiche (futur réalisateur de L’Esquive), jeune Marocain qui gagne sa vie en couchant avec le père du premier (incarné par Jean-Claude Brialy). Le tumulte amoureux (deux hommes se battent pour la même femme) se conjugue ici à un affrontement idéologique entre un jeune en accord avec une idéologie raciste et un autre qui la subit. Là-dessus vient s’ajouter le rapport particulièrement complexe que le jeune extrémiste entretient avec son propre père, esclave de son attirance pour le Marocain tant détesté. L’intime se conjugue donc au politique : l’un dicte l’autre, à moins que cela ne soit l’inverse. Dans ce film, Téchiné retrouve certaines influences baroques qu’il avait abandonnées depuis Les Sœurs Brontë. Une des plus belles scènes du film est probablement celle où les deux soupirants se suivent dans les rues de la ville et traversent une petite place où des couples dansent. Très chorégraphié, le déplacement de la caméra met en valeur le mouvement précis des personnages qui s’acheminent progressivement, mais inéluctablement, vers le drame. La tragédie pure n’est pas loin. Même constat pour Les Roseaux sauvages qui s’ouvre sur le mariage d’un soldat qui ferait tout pour ne pas revenir sur le front algérien. Les quelques scènes d’exposition opposent à la fois deux générations et deux ambiances. Au charme champêtre du mariage où les invités dansent parfois jusqu’au vertige s’oppose la dure réalité de la guerre d’Algérie. Comme dans Les Innocents l’intime est forcément lié au politique, voire à l’idéologique puisque l’intrigue entremêle la question du désir de l’autre et la remise en cause de ses propres convictions. Le politique doit pourtant se passer de modèle. Que ce soit le général De Gaulle raillé par Henri, le jeune pied noir, ou Mme Alvarez, la militante communiste qui tombe en dépression parce qu’elle n’a pas voulu cacher un soldat tombé par la suite sur le champ de bataille, aucune figure adulte ne semble répondre aux questionnements de ces adolescents. Si Les Innocents était une tragédie dont l’issue était forcément fatale, Les Roseaux sauvages s’offre la liberté d’emmener ses personnages loin des discours établis pour parfaire une réconciliation avec eux-mêmes.
Une partie de campagne ou comment concilier le monde et l’intime
Dans les films qui ont fait la réputation d’André Téchiné, la nature occupe une place prédominante. Dans Les Roseaux sauvages, loin du discours rousseauiste sur l’état de nature, cet espace ouvert permet de lever toutes les inhibitions, de s’affranchir de tous les interdits imposés par la communauté. François, le personnage central de l’œuvre, se libère de cette érudition qui le protégeait de son attirance pour les hommes dès lors qu’il part avec ses trois amis au bord de la rivière. Capable de dire son attachement à chacun d’entre eux, il se meut sans aucune difficulté dans cet espace édénique où l’eau revêt un rôle particulier, à la fois miroir de l’âme et matérialisation de ce désir incandescent qui anime tous ces personnages. Tout comme Renoir l’avait fait dans Partie de campagne en 1936, Téchiné choisit un espace ouvert et naturel pour en faire le théâtre des passions humaines et n’hésite pas à penser ce lieu comme le seul où l’on redécouvre son intimité. Dans Les Égarés, c’est une jeune mère (Emmanuelle Béart) et ses deux enfants qui se retrouvent dans une bâtisse isolée en pleine campagne pour fuir la grande débâcle de juin 1940. Au chaos de la route et des bombardements se substitue un espace de repos où un jeune homme (Gaspard Ulliel) va agir en révélateur d’un ensemble de frustrations et de manques. La mère va tenter de retrouver la place qui lui revient auprès de ses enfants tandis que son fils ainé va nourrir une tendre affection pour le bel inconnu. Si la relation entre ces trois personnages va finir par devenir symboliquement incestueuse, il n’en reste pas moins le souffle d’une certaine liberté, symbolisé par ces champs en jachère où l’on peut subitement s’évanouir sans craindre pour soi. Et c’est cette même nature qui libère le corps et l’esprit de tout son poids dans le sublime Ma saison préférée. Les déchirements d’une sœur (Catherine Deneuve) et de son frère (Daniel Auteuil) devant le laisser-aller soudain de leur mère (Marthe Villalonga) ne trouvent un apaisement que dans ces quelques scènes où la famille se retrouve au bord de la rivière pour se rappeler d’anciennes baignades ou, étrangement, dans cette scène aussi étrange que d’une troublante beauté où la vieille mère fait un malaise cardiaque dans son jardin. Ces quelques instants de grâce et d’infinie légèreté contrastent avec le reste de l’œuvre où les espaces clos (un repas de Noël à la maison, l’hôpital, la maison de famille) sont régulièrement le théâtre des rancœurs où l’évidente préférence que la mère marque pour son fils au détriment de sa fille ravive blessures et mal de vivre.
Le cinéma d’André Téchiné est donc un cinéma du corps et de l’espace, deux notions interdépendantes qui donnent à l’œuvre du réalisateur une dimension philosophie qui rappelle aisément les écrits de Merleau-Ponty. Que ce soit lors de séjours dans un pays lointain (thème que l’on retrouve dans trois films que nous n’avons pas abordés, à savoir Alice et Martin, Loin et Les Temps qui changent) ou non, restent toujours la question de l’inscription de son propre corps dans un monde donné et étranger, mais aussi le désir de transcender l’humain, de le libérer des carcans dans lesquels il tente de se débattre pour survivre. L’humanisme a donc trouvé l’un de ses plus beaux porte-paroles au cinéma.