Lorsque le long-métrage réalisé par André Téchiné, Les Roseaux sauvages, sort sur nos écrans en 1994, bon nombre de critiques le comparent au moyen-métrage de Jean Renoir, le mythique Partie de campagne (1936), en invoquant le « naturalisme » de la mise en scène commun à ces deux films. Réalisées à près de soixante ans d’intervalle, ces deux œuvres tirent leur force picturale et mélancolique du choix d’inscrire leur histoire dans un passé prédéfini par un événement particulier – la guerre d’Algérie ou la Révolution industrielle du XIXe siècle de Maupassant – mais dans un espace scénique loin de toute civilisation. Ainsi, en ne rendant nullement compte des enjeux économiques, historiques et politiques d’alors, les deux films apparaissent comme des réminiscences de l’esprit, illustrant de manière presque onirique toutes les abstractions de l’âme.
Affranchis de toutes barrières sociales et idéologiques, les personnages féminins que sont Henriette (Sylvia Bataille) et Maïté (Élodie Bouchez) vont progressivement se libérer des interdits moraux de l’époque et prendre conscience de la puissance d’un désir qui jusqu’ici les effrayait et qu’elles refoulaient, soit derrière une certaine candeur, soit derrière un discours politique formaté. En ce sens, deux scènes de la dernière partie des deux films sont en de nombreux points comparables : les deux jeunes femmes se retrouvent chacune au bord d’une rivière en tête-à-tête secret avec un homme, nommé Henri dans les deux cas. D’abord craintives, elles vont progressivement s’abandonner à leur désir.
La campagne : métaphore du paysage intérieur des personnages
Deux époques, deux milieux : la campagne n’est pas synonyme des mêmes possibles
Même si dans les deux films que sont Partie de campagne et Les Roseaux sauvages, la nature joue un rôle déterminant au point d’être matérialisée jusque dans le titre des deux œuvres, bon nombre d’éléments scénaristiques viennent modifier le rapport intime que les personnages entretiennent avec cet espace loin de toute civilisation. Le contexte – spatial, temporel, social et politique – participe de ces variations, même si les intentions respectives des deux réalisateurs sont en de nombreux points à rapprocher.
Pour le projet Partie de campagne, Jean Renoir, fils du peintre impressionniste Auguste Renoir, a manifestement été influencé par les nouveaux droits sociaux acquis par les travailleurs sous le gouvernement du Front Populaire. En 1936, date de réalisation du film, la première semaine de congés payés est accordée, offrant aux ouvriers le luxe de partir pour la première fois en vacances, de fuir ponctuellement le morne quotidien de leur travail. Cette euphorie généralisée, à laquelle ce cinéaste communiste n’a pu être insensible, a certainement initié ce projet pourtant inspiré d’une nouvelle de Guy de Maupassant du 19e siècle.
Dès les premières scènes du film, l’hystérie des Parisien(ne)s révèle en tout point leur soif de liberté qui, jusqu’ici, devait être frustrée par le rôle que chacun s’attache à jouer à la ville, espace de cloisonnement par excellence : « entre les classes, entre les sexes, entre les âges, on s’ignore, on se méprise ou l’on se berne ».
Dans Les Roseaux sauvages, au contraire, les scènes de campagnes ne sont pas censées participer de l’exceptionnel. Les personnages, pour lesquels André Téchiné s’est inspiré de sa propre vie d’adolescent, vivent quotidiennement à Villeneuve-sur-Lot, petite bourgade rurale du Sud-Ouest de la France. Nullement oppressés par la vie citadine des années 1960, les adolescents du film évoluent, indifférents à la beauté des paysages, car ici, le cloisonnement est essentiellement idéologique – la guerre d’Algérie touche à sa fin – d’où la surabondance de discours politiques rigides pré mai 1968 dont Maïté et Henri se sont faits les porte-paroles. La nature symbolise alors toute l’ambiguïté d’un monde fascinant que les personnages ne sont pas à même de percevoir ou de comprendre. C’est elle qui permet à chacun de s’affranchir de ses a priori pour mieux se découvrir et se respecter : « au-delà de la scène sociale, la nature joue le rôle d’espace d’intégration. À son contact, chacun voit sa configuration du monde remise en cause. »
Les deux scènes pendant lesquelles, Henriette et Maïté vont succomber à la tentation de l’étreinte sont en ce point comparables puisqu’elles agissent en révélateur d’un monde intérieur ignoré jusqu’ici. Dans ces deux œuvres majeures du cinéma français, le climax est donc basé sur un certains nombres d’éléments similaires, que ce soit au niveau des décors, d’un rapport de force entre l’homme et la jeune fille, tout comme l’issue de l’étreinte, plus ou moins heureuse, qui voit les jeunes amants pourtant seuls, condamnés à se séparer car le retour à la civilisation ne leur permet en aucun cas de poursuivre leur aventure.
Un cadre édénique qui sous-tend le désir interdit
L’espace confiné dans lequel les deux couples des deux films se retrouvent à l’abri des regards indiscrets n’est pas sans rappeler le jardin d’Eden, paradis terrestre cité dans la Bible (Genèse, II, 8) que Dieu aurait créé pour qu’y vivent Adam et Eve, figure mythologique du couple pêcheur dont Henriette et Henri de Partie de campagne vont se faire l’incarnation moderne tandis que dans Les Roseaux sauvages, Maïté et Henri, en transgressant un interdit idéologique qui les conduisait à se détester, osent lever un tabou, un non-dit sur l’essence même de leur désir. D’un geste de la main qui éloigne les branchages trop sauvages, les protagonistes de Partie de campagne se frayent un chemin tortueux dans ce lieu dont la surprenante virginité n’est pas sans laisser présager du dangereux désir qui va fatalement lier le couple. Cette intrusion forcée, qui est métaphoriquement celle à laquelle Henriette sera intimement confrontée, bouscule l’équilibre qui, jusqu’ici, unissait l’homme à la nature, entendons l’intériorité de l’être à l’extériorité du corps. Le caractère champêtre du film s’estompe alors soudainement tandis que la nature revêt une symbolique bien plus complexe, devenant le théâtre des passions humaines frustrées.
Depuis le début du film, les mouvements de caméra et le montage s’étaient effectués non moins sans une certaine fluidité car « chez Renoir, les plans de paysage sont presque tous fixes, la caméra n’effectue de panoramique que pour accompagner les personnages. Loin d’être anecdotique, cette différence révèle une transformation essentielle dans la conception du rôle de la caméra : elle s’est « naturalisée » chez Renoir ». Ainsi, le cinéaste, en insufflant une certaine langueur érotique à son parti pris cinématographique, met en exergue les ambivalences de ces personnages trop étriqués par leur condition sociale (la mère se laisse bien volontiers séduire par un canotier entreprenant) qui, loin de se suffire à tant de candeur, ne peuvent que transgresser le tabou sexuel prédéfini par la civilisation tenue soigneusement en hors-champ.
Dans Les Roseaux sauvages, la présence déterminante de la rivière et de son écoulement dans la bande-son sont autant d’échos aux nombreuses scènes de l’œuvre de Jean Renoir où « l’eau vaut (…) clairement comme métaphore du désir et de la sensualité ». Cette sensualité, à laquelle se refuse pourtant Maïté pour qui l’idée même d’être un objet de désir l’insupporte au plus au point, s’impose « naturellement » au couple qui, dans cet espace édénique offrant toute sorte de possibles, abandonne tout discours militant. La complexité de leur rapport, lié essentiellement à un profond désaccord idéologique, s’efface soudainement à l’avantage d’un cadre qui favorise le rapprochement des corps et exacerbe leur désir.
Loin de son ami François qui la protège du désir des hommes, Maïté se trouve démunie lorsque Henri, surgi des branchages, l’observe se baignant jusqu’à la taille. Son intransigeance idéologique mise entre parenthèses, la jeune femme titube maladroitement pour sortir de l’eau tandis que le garçon, silencieux et filmé de dos, lui obstrue toute perspective de fuite, la laisse gracieusement regagner la rive avant que celle-ci ne décide d’elle-même de l’étreindre. Cette relation physique ne peut exister que dans cet espace prédéfini naturellement car les deux amants y trouvent une liberté d’agir inédite, loin du regard de la société.
L’opposition Henriette / Henri et Maïté / Henri
La rigidité du milieu social
Détail qui n’est pas sans importance, Partie de campagne se déroule au XIXe siècle – les femmes bénéficient encore de très peu de droits dans de nombreux domaines – et Les Roseaux sauvages en 1962, quelques années avant mai 1968 où les féministes, montées au créneau, vont tout mettre en œuvre pour que le statut de la femme bénéficie d’une meilleure considération. Ainsi, les deux adolescentes que sont Henriette et Maïté évoluent dans un monde exclusivement dirigé par les hommes où la misogynie ambiante ne permet pas le moindre écart de conduite.
La rigidité sociale n’autorise en aucun cas ces jeunes filles à se laisser délibérément séduire sous menace de passer pour des personnes de petite vertu. Pour preuve, la tenue vestimentaire d’Henriette ne semble nullement tenir compte de la chaleur car son grand col de robe endimanchée cache toute partie du corps susceptible d’être un objet de désir pour l’homme. La scène qui précède l’étreinte sur l’île dans Partie de campagne est à ce point remarquable puisqu’elle énonce en quelques minutes le déséquilibre flagrant entre la jeune femme, dont la pureté n’a d’égal que son ignorance, et le canotier, manœuvrant cette barque qui les conduira tous deux vers l’inconnu, excitant parce qu’il ne repose que sur l’interdit : « quant au doux dialogue dans la yole (…), Renoir installe Henriette dos au rameur et plante sa caméra sur la poupe : une autre disposition – techniquement plus contraignante et exigeant le recours à un champ-contrechamp ici inopportun – aurait exclu d’embrasser d’un même regard le tentateur et sa victime, alors que la profondeur de champ peut désormais saisir les manœuvres de séduction de l’un, les élans et les refus de l’autre. La place même de la comédienne lui inspire de gracieuses torsions de la tête et du buste : répondant à son partenaire, elle se donne tout en se refusant, tournant le dos à celui qui l’entraîne vers un un lieu qu’elle ne veut pas voir. »
Dans Les Roseaux sauvages, la place accordée à la femme est nettement plus ambiguë, la période nous étant tout de même plus proche. Tandis que son ami François s’est offert la liberté de s’initier relativement tôt aux plaisirs homosexuels tout aussi tabous, Maïté s’interdit tout rapport avec les hommes dont elle estime qu’ils sont davantage source de souffrance que de plaisir. Lorsque Henri la surprend en train de se baigner loin des autres garçons, Maïté est honteuse de se trouver si peu vêtue devant un adolescent de son âge. Elle sort de la rive pour se couvrir d’un vêtement, consciente du désir éprouvé par le jeune homme à son égard, mais dont elle ne comprend pas véritablement l’évidence, la justification. Pourtant, la jeune femme va se dépasser en rejoignant Henri dans le plan. Moins prude qu’Henriette dont la rafraîchissante candeur n’est que le contrepoint d’une absence totale de liberté qui la prive de toute expérience – elle est fiancée de force à un homme ridicule qu’elle n’aime pas –, Maïté transgresse les interdits. En ce sens, l’adolescente des Roseaux sauvages fait preuve de davantage d’audace en endossant le rôle d’une Ève déculpabilisée, assumant rapidement cette nudité qui lui permettra enfin de se libérer d’elle-même.
Le rôle de l’homme
L’assise sociale dont bénéficient en contrepartie les hommes à chacune de ses deux époques est en de nombreux point matérialisée par les mises en scènes de Jean Renoir et d’André Téchiné. Dans Partie de campagne, durant toute la première partie du film, le montage oppose clairement Henriette et sa mère, toujours dans le même plan, aux canotiers dont l’objectif est de les séduire. À plusieurs reprises filmés derrière les hautes herbes, Henri et son ami observent leurs proies, tels des prédateurs affamés. Lorsque Henri conduit Henriette en barque, il est maître de l’emmener où il le souhaite, c’est-à-dire l’île où l’étreinte aura lieu. La jeune femme n’est pas en mesure de contredire les avances du prétendant, esquive une réserve peu convaincante aussitôt contredite par l’euphorie de la mère. Conduite dans un endroit isolé, elle est une proie idéale, offerte au bon vouloir d’Henri qui, respectueux de sa personne, va pourtant l’initier aux désirs proscrits.
La confrontation des deux personnages dans Les Roseaux sauvages est moins inégalitaire car Maïté, féministe et communiste, n’entend pas céder avec la même obligeance aux avances d’Henri. Lorsqu’il s’approche d’elle tandis qu’elle se rafraîchit dans la rivière, « le plan est fort parce que la tension psychologique de cette confrontation trouve un prolongement dans la construction plastique de l’image. Derrière Henri se déploie un paysage bucolique, tandis que Maïté est plaquée contre un tronc. La moitié droite de l’image est plutôt construite horizontalement (les branches), tandis que la gauche est très marquée par la verticalité. La violence passionnelle de l’affrontement de Maïté et Henri est d’abord exprimée visuellement. » Cette indépendance qu’affiche Maïté à l’égard d’Henri marque en ce point une différence déterminante avec Henriette qui, époque oblige, demeure dans l’attente, affiche une passivité qui lui sera fatale.
La solennité de l’étreinte
L’enjeu scénaristique
Lors de leur arrivée dans l’île, Henriette n’a aucunement conscience de ce qui va advenir. Candide, elle est émerveillée par le chant d’un rossignol tenu en hors-champ, tandis que dans le plan, Henri entreprend de se rapprocher d’elle. Il la fait asseoir sans dire un mot, commence à lui tenir la taille tandis que la jeune femme, gênée, maintient son regard en direction de cet oiseau. Gênée et silencieuse, elle n’ose regarder cet homme qui la désire, tandis que la musique, douce et romantique, se veut rassurante.
Mais soudain, le jeune homme la fait basculer au sol, presse sa bouche contre la sienne, alors que la musique, plus grave, prend des aspects dramatisants : « la nature est un leurre. C’est pour ne pas l’avoir compris qu’Henriette, innocemment émue par le chant d’un rossignol ou par un cocon de verdure (…), devient la dupe d’un roué, lui-même pris au piège de sa manipulation ». Elle se débat, en vain, puis s’abandonne promptement à l’inconnu : Henriette embrasse alors Henri fougueusement. Le montage très découpé fait se succéder trois plans du visage de l’adolescente tandis que son œil fixe, envahit peu à peu une large partie du cadre : « quand le gros plan étale un visage sur toute la surface de l’image, ce visage deviendra le tout dans lequel le drame est contenu ». L’événement en lui-même perd de sa ponctualité pour se dissoudre dans un présent plus diffus, d’une insoupçonnable mélancolie. L’âme d’Henriette semble comme détachée de ce corps qu’elle ne reconnaît plus, qu’elle ne contrôle plus. Cette dissociation rompt singulièrement l’osmose qui, dans les scènes précédentes, unissait idéalement l’homme et la nature.
Le cheminement de Maïté dans Les Roseaux sauvages se produirait à l’inverse d’Henriette, car c’est en acceptant de s’unir à Henri qu’elle peut se démarquer d’un discours qui ne lui permettait pas de prendre conscience de son corps en tant qu’objet et source de désir. Maïté rejoint Henri dans le cadre parce que celui-ci ose abandonner tout discours politique pour parler de lui-même, de ses sentiments. Autant émue que désarmée, Maïté s’approche de lui et l’engage à l’étreindre, capable soudainement de surmonter ses peurs antérieures.
Ici, la jeune femme fait le choix de s’asseoir en fixant son regard sur Henri, indifférente à la beauté du paysage, ne cherchant aucune justification romantique qui cautionnerait cet abandon. Nue mais recroquevillée, Maïté s’offre avec un silence solennel au désir du jeune homme dont les gestes se font plus délicats, moins précipités que dans Partie de campagne : « La relation entre Henri et Maïté ne passe pas par le langage. Lorsqu’ils se parlent, leur dialogue met en évidence leur incompatibilité (…). Ici, ils ne se parlent pas, s’épient, une série de champs-contrechamps insiste sur leur échange de regards. C’est une attirance vraiment physique, passionnelle, plus forte que tout ce qui les éloigne (leur histoire, leur culture, leur idéologie) ». La mise en scène d’André Téchiné évacue tout accent dramatisant, filmant au plus près ces deux adolescents qui se découvrent mutuellement. Aucune musique n’est ici utilisée pour signifier la singularité de l’instant.
La défaite de l’une, la renaissance de l’autre
Le gros plan sur le visage d’Henriette fait l’objet d’un fondu enchaîné avec la scène suivante où on la voit allongée tout près d’Henri. Jean Renoir, par le biais de cette ellipse, entretient une certaine ambiguïté. On ne saurait dire si le couple n’a fait que s’effleurer chastement ou s’ils sont allés plus loin dans l’étreinte, comme le suggère l’attitude excessivement passionnée des protagonistes dans les scènes précédentes. La jeune femme a du moins goûté au fruit défendu puisque la nature change d’aspect, abandonnant progressivement son caractère édénique pour se faire moins hospitalière, voire menaçante.
Le couple semble interpellé par un événement en bord cadre droit. Henriette s’arrache à cet état de douce mélancolie caractérisé par son regard vague, et semble prise d’un sentiment d’effroi en constatant que cette campagne qui l’avait accueilli en son sein change soudainement d’aspect, et fait preuve d’une hostilité qui condamne les deux jeunes gens à partir. Une succession de plans montrent un ciel devenu gris et orageux, une nature qui perd brusquement de son éclat : « dans Partie de campagne le long travelling arrière (…) sur la rivière piquetée de pluie se trouve avoir, outre une valeur dramatique assez étonnante et insolite, le sens d’une fuite du temps vers un passé irrémédiable ».
Ainsi se clôt cette scène aux accents tragiques, les protagonistes n’étant plus maîtres de leur propre destin. Cette expérience ultime fige la jeune femme qui exprime dans les scènes suivantes son désarroi à Henri. Plutôt que de la libérer, cet abandon n’a fait que la révéler au piège dans lequel elle s’est compromise à tout jamais. En revanche, l’attitude de Maïté dans Les Roseaux sauvages diffère singulièrement de celle d’Henriette. Sitôt la relation sexuelle passée, on retrouve la jeune femme en mouvement dans le plan, passablement pressée de mettre fin à ce tête-à-tête. Contrairement à Henriette qui restait immobile sur la rive, comme désincarnée, interdite, Maïté affiche un étrange détachement.
Elle encourage Henri à partir, à la laisser mûrir tout ce qu’elle vient de découvrir et dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Tandis que le jeune homme s’éloigne, l’adolescente semble perdue, inattentive aux appels de son ami François : elle « apparaît tout à coup défaite alors qu’on l’avait quittée forte et déterminée (…). Le film ne l’a pas accompagnée dans le mouvement qui l’a fait passer d’un sentiment à l’autre. Il joue au contraire de la rupture, de la ligne brisée, de la non-linéarité psychologique. »
Indifférente au cadre qui l’entoure, son attitude est à l’opposé de la mélancolie, réalisant au contraire que sa perception du monde change, que son paysage intérieur évolue. Elle ne reverra jamais Henri, à la différence d’Henriette, n’entretiendra aucun lien la renvoyant à cet instant si singulier. Déterminée à ne pas vivre dans le passé ni dans le souvenir, la jeune femme se précipite, haletante, pour se jeter au cou de François, bouleversée par un amour qui soudain la dépasse. Libérée du rôle que lui imposait la rigidité sociale, elle abandonne soudainement toute distance avec le cadre qui l’entoure.