À grand renfort d’avant-premières, de séances spéciales et d’une déferlante de unes et d’affiches, la saga Potter touche à sa fin. Suite directe de l’épisode précédent (aucun résumé ne viendra pallier votre mémoire défaillante), cet ultime volet condense en un peu plus de deux heures une bataille épique, un affrontement déterminant, des flash-backs éclairants et des instants d’émotions intenses. Harry Potter a bien grandi et la maturité cinématographique des adaptations a suivi le même chemin, offrant aujourd’hui aux fans (et à tous les autres) un spectacle de haute volée, un dénouement à la hauteur des attentes, bref un film abouti.
Il est loin le temps du petit sorcier gringalet dont les ennuis s’arrêtaient pendant les vacances scolaires. Les forces du Mal, menées par Lord Voldemort, sont en passe de prendre le pouvoir dans le monde des sorciers, après avoir déjà soumis Poudlard. Seul Harry et ses deux acolytes poursuivent leur quête des horcruxes, ces objets magiques qui renferment une part de l’âme de « vous savez qui » et dont la destruction est indispensable pour anéantir le mage noir.
Harry Potter 8 prend la relève du précédent opus avec la même qualité scénaristique et visuelle. Toute l’équipe a renquillé, du scénariste au monteur son, ce qui offre une parfaite cohérence aux deux parties. Mais dernier épisode oblige, ce volet invite le spectateur à un voyage nostalgique à travers les lieux qui ont marqué ses souvenirs. Gringotts, la banque des gobelins ouvre le bal. Entrevue lors du premier épisode (Harry Potter à l’école des sorciers), l’immense caverne souterraine, traversée par un monorail suspendu au-dessus du vide, se révèle le lieu parfait pour optimiser l’utilisation de la 3D et ainsi procurer au public les sensations fortes de gigantesques montagnes russes. Cette technologie, décriée car souvent inutile, trouve ici les occasions de faire corps avec la mise en scène, que ce soit avec un dragon qui sert de monture au trio ou un sort pyromane implacable. Quant aux clins d’œil aux anciennes péripéties, ils émaillent l’intégralité du récit : du basilic de La Chambre des secrets, à la salle sur demande, on transplane même une dernière fois à Pré-au-lard. Mais cette machine à remonter le temps, qu’est Les Reliques de la mort, ne se contente pas de nous convier sur des terres connues. La séquence de la « pensine », acmé narrative des nombreux retours temporels, révèle un passé enfoui et inédit pour le public, le dévoilement des souvenirs de Rogue. La rencontre de Lily et James, les parents de Potter, la nuit fondatrice du destin d’Harry et le rôle de Rogue auprès de Voldemort, tous les éléments-clés de la saga sont revisités. Longtemps laissés au seul imaginaire des spectateurs, leur découverte provoque une vive émotion car elle explore les enjeux tragiques qui sous-tendent Harry Potter (trahison, mort, vengeance…). De plus, ce plongeon systématique dans ces souvenirs cinématographiques (et la comparaison immédiate que l’on dresse entre passé et présent) implique doublement le public : se remémorant le « récit Potter », il prend conscience de sa propre implication dans ce récit. On ne suit pas impunément des personnages pendant dix ans sans y laisser un peu de soi, d’où une charge émotionnelle omniprésente.
Aggiornamento des lieux, aventures et personnages qui ont rythmé la décennie cinématographique de Harry, Ron et Hermione, Les Reliques de la mort n’en oublie pas pour autant la résolution de la guerre fratricide qui oppose les sorciers. Et l’attente aura payée. La bataille de Poudlard (aussi épique que celle du gouffre de Helm) voit le château tomber littéralement en ruines alors que les professeurs et les élèves rivalisent de sortilèges pour créer une voûte de protection, tout aussi esthétique que poétique. Quant à Voldemort, sa menace plane et s’incarne à la perfection dans son alter ego écaillé, Nagini. Personnage déjà impressionnant dans la première partie, l’effroyable serpent gagne avec la 3D sa place au panthéon des créatures flippantes. Le reptile hérissera le poil de tous les phobiques et autres angoissés des rampants grâce à une scène de mise à mort dévoilée pudiquement en ombres chinoises mais tenue par une bande-son glaçante (la brutalité des coups portés par Nagini fait frissonner). À l’imagination de composer le reste du tableau…
Grâce à la prouesse narrative de parvenir à butiner dans le passé sans sombrer dans le pathos, à la mise en scène d’une dévastation annoncée aussi mythique que brutale, Les Reliques de la mort jongle délicieusement avec le suspense, les larmes et la peur. Seul bémol à cette réussite, l’épilogue. Fade et cliché, la séquence de fin met en scène les héros vingt ans plus tard, à peine (et mal) vieillis (le trenchcoat BCBG ne permet pas à Hermione d’avoir l’air d’une quadragénaire). Note légèrement dissonante, soit, mais reste une symphonie rondement menée qui a gagné avec les années son rang de saga culte.