Il n’aura pas fallu attendre très longtemps (cinq ans, pour être exact) avant que la Warner n’appelle J.K. Rowling à la rescousse pour continuer à remplir les caisses du studio. L’empire Harry Potter (sept romans, deux livres « parallèles », une pièce de théâtre, huit films, un parc d’attractions et une quantité phénoménale de produits dérivés) est sans aucun doute la franchise la plus lucrative depuis Star Wars, jouissant de la fidélité totale d’une immense communauté de fans, d’une crédibilité critique indéniable (surtout pour les bouquins) et d’un capital sympathie énorme pour Rowling, qui gère ses contrats aussi bien que son image (écrivaine, femme d’affaires, féministe, jamais avare d’un tweet bien senti contre les conservateurs de tous poils). Pourquoi ne pas tenter d’en exploiter encore un peu plus les fonds de tiroir ?
C’est littéralement le cas de ce nouveau film, écrit par Rowling elle-même et vaguement adapté d’un court ouvrage dérivé des aventures du petit sorcier, sorti en 2001 et originellement conçu par l’écrivaine à des fins humanitaires (les bénéfices générés par la vente du livre ont intégralement été reversés à l’association Comic Relief). Situé dans le même « univers » que les Harry Potter, mais totalement déconnecté sur le plan narratif (si l’on excepte une ou deux références à Dumbledore et Poudlard), Les Animaux fantastiques raconte les aventures de Newt Scamander, sorcier zoologiste chargé de répertorier et de protéger les différentes espèces animales qui peuplent le monde parallèle des sorciers. Fraîchement débarqué dans le New York de 1926, il se retrouve rapidement aux prises avec les autorités locales. Avec l’aide de compagnons de fortune, il va devoir à la fois gérer la fuite d’une partie des animaux cachés dans sa valise magique et contrer l’émergence d’une entité maléfique qui risque de compromettre la sécurité du monde sorcier.
Bête à manger du foin
Réalisé par David Yates (déjà aux manettes des quatre derniers Harry Potter), Les Animaux fantastiques pue l’opportunisme rance et ne parvient jamais à s’élever au-delà de son statut de pur produit de consommation. De l’univers mi-féerique, mi-monstrueux de la saga originelle, le réalisateur ne conserve que les gadgets (baguettes magiques, objets volants et bestiaire dopé aux effets numériques) et délaisse le lyrisme quasi shakespearien des derniers épisodes pour une reconstitution appliquée et ronflante du New York des années folles. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la greffe ne prend pas : tout semble forcé dans cette hybridation grossière, où rien ni personne ne semble à sa place. Le plus étonnant n’est pas tant la platitude de la mise en scène que l’ineptie absolue de l’intrigue et des personnages : avec l’autrice elle-même au scénario, on aurait pu s’attendre aux prémisses d’une mythologie qui explorerait les nombreuses ramifications d’un monde fictif dont les aventures d’Harry Potter n’auraient été qu’une infime partie. Hélas, on ne sait pas trop vers quoi pourraient tendre ces laborieuses aventures de Newt Scamander et sa bande de bras cassés…
Mi-comédie pour (grands) enfants, tendance Jumanji (des bestioles mignonnes et/ou flippantes apportent le chaos, en attendant de remplir les rayons des supermarchés à Noël), mi-succédané de la saga dont il espère prendre le relais en recyclant ses thèmes principaux (luttes intestines et politiques, guerre entre le bien et le mal, Grand Méchant Psychopathe et Fasciste), Les Animaux fantastiques n’est finalement rien du tout, à peine plus organique qu’un mauvais jeu vidéo, plombé par un montage laborieux et des acteurs affligés. Passons sur le cas Eddie Redmayne, l’acteur le plus insupportablement cabot de sa génération, mais que viennent faire des gens comme Katherine Waterston (vraiment mauvaise ici), Samantha Morton ou Ezra Miller dans une telle galère ? L’inévitable succès du film leur garantira évidemment des revenus confortables pour les années à venir. Pour les spectateurs, en revanche, devant le matraquage médiatique autour de cette nouvelle saga, entre un 26e Marvel et l’énième remake/suite/prequel d’un succès récent, c’est plutôt la consternation qui guette.