Faire un film sur un peintre n’est pas chose aisée. Beaucoup de cinéastes s’y sont risqués, avec plus ou moins de bonheur. Que ce soit Vincente Minnelli pour La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (1956) ou Henri-Georges Clouzot pour Le Mystère Picasso (1956) sans parler du morne La Jeune Fille à la perle de Peter Webber (2002) et du piètre Modigliani de Mick Davis (2003), la plupart d’entre eux se sont heurtés à la difficulté de figurer le travail de l’artiste sur la toile. Pourtant, l’exercice n’est pas forcément maudit. Preuves en sont les incroyables réussites de Van Gogh de Maurice Pialat (1990) et d’Edvard Munch de Peter Watkins, ressorti sur nos écrans l’année dernière.
Mais Raoul Ruiz n’a pas pris le risque de rejoindre les réalisateurs maudits puisque son œuvre sur le peintre autrichien Gustav Klimt n’est pas à proprement parler un biopic. Toutes les questions récurrentes dans les films précités et liées à la mise en chantier de futurs chefs d’œuvre sont ici effleurées. La peinture tient en fait plus de l’ornement et sert de prétexte assez malhabile pour parler de Klimt, artiste audacieux et libertin, visionnaire en avance sur son temps. Mais le drame avec la majeure partie des films de Raoul Ruiz, c’est qu’ils sont faits à la va-vite. À raison d’un long métrage tous les six mois, le réalisateur chilien exilé en France depuis maintenant plusieurs décennies semble à chaque fois passer à côté de son sujet, trop impatient d’en finir avec un projet pour en commencer un autre. Du coup, difficile de reconnaître une patte car du Temps retrouvé aux Âmes fortes en passant par La Comédie de l’innocence, tout est complètement dépassionné. Dans le meilleur des cas, cela peut donner une espèce de flottement quasi surréaliste (Ce jour-là) assez unique, mais l’effet reste beaucoup trop rare. Dans Klimt, Raoul Ruiz a tenté d’anticiper sur ses faiblesses en surchargeant son film d’intrigues toutes secondaires, et toutes sans grand intérêt. On aborde le libertinage de l’artiste alors condamné à Vienne pour « provocation », sa quête de l’amour parfait, ses rapports passionnés avec des femmes aussi mystérieuses qu’une Milady campée par Arielle Dombasle.
Car le principal problème de cette « fantaisie » qui tombe littéralement à plat est qu’elle taquine l’esthétique léchée des superproductions télévisuelles de TF1. Du Paris de 1900, ne reste qu’un décorum complètement terne et inerte. Impossible d’oublier l’époque à laquelle fut tourné le film (2004) et de ne pas voir en Klimt un bal costumé au budget conséquent où chaque acteur s’amuse à se prendre pour plus qu’il n’est. Tout est trop propre et ordonné. La moindre folie n’est pas conviée, au risque de souiller la trop belle tenue de ce festival de phrases bien pensées sur l’art et ses conséquences. Le surestimé John Malkovich cabotine pour mieux masquer la vacuité d’un projet dont on se demande encore l’utilité et la finalité.