Quatrième film, mais premier a être diffusé en France du Portugais Miguel Gomes, La Gueule que tu mérites a triste mine. Malgré une idée de départ des plus alléchantes, la description par la régression d’un homme qui n’arrive pas à passer l’âge fatidique des 30 ans, Miguel Gomes fait sombrer son film dans la futilité et le spectateur dans l’ennui le plus profond.
Francisco a trente ans aujourd’hui. Terrifié par l’adage du film: « Jusqu’à trente ans tu as la gueule que Dieu t’a donnée. Après tu as la gueule que tu mérites », Francisco se plonge dans un état régressif qui lui fait couper un à un les ponts qui le relient à la réalité. Il participe à un carnaval dans une maternelle déguisé en cow-boy où les élèves donnent une représentation de Blanche Neige. Et bien que sa fiancée tente de le raisonner, rien ni fait, Francisco se comporte de plus en plus comme un enfant…
À partir de ce personnage qui refuse de quitter l’enfance, Gomes construit un film inclassable sur le thème maintes fois traité du délicat passage à l’âge adulte. En partant d’un quotidien des plus banals, il adopte un parti-pris fantastique, qui s’inspire de la tradition hollywoodienne de l’Âge d’or. Mais à partir de cette régression qui fait office de courte introduction, La Gueule que tu mérites se scinde littéralement en deux. On passe alors du côté du fantasme pur, totalement déconnecté du réel. À partir du moment où Francisco attrape la rubéole, il s’imagine dans une maison perdue dans la forêt où sept hommes, dans le même état de régression enfantine, veillent à son rétablissement. Bien sûr, on pense à un détournement de Blanche Neige et les sept nains déjà cité dans les séquences à la maternelle. Mais loin de tenir ses promesses, cette nouvelle partie est totalement confuse, et le jeu d’acteur se résume à une pantomime. La faute à une posture qui évite l’humour et la fantaisie, au profit d’une volonté assez rigide et sérieuse, soutenant un discours de plus en plus obscur. Impossible deuil de l’enfance ou à l’inverse volonté de la voir disparaître avant de partir vers un ailleurs? Enfance brimée par les règles des adultes? Dispositif sadien adapté à la psyché de l’enfance?
Mais le film ne diffuse qu’une impression de vide et de gâchis, comme s’il devenait mécanique, trop fier de son dispositif pour pousser la réflexion vers des zones d’ombres ou de réelles audaces qui ne seraient pas uniquement formalistes. Un film où finalement il manque une âme d’enfant et d’émerveillement, trop adulte pour arracher le morceau sur un tel sujet.