Planète terreur, le second volet Grindhouse signé Robert Rodriguez, débarque en plein milieu de l’été. TFM a visiblement eu envie d’avancer sa sortie pour en finir au plus vite avec ce phénomène. Par sa simplicité, il devrait séduire un public plus large que Boulevard de la mort. Sans doute parce qu’il fréquente un registre inépuisable. Celui des films d’invasions zombies si chers au cœur de tonton Romero, déclinables à l’envi. La différence notable, c’est que Rodriguez privilégie le divertissement immédiat et l’hommage potache au détriment d’une quelconque réflexion politique ou sociale. Boulevard de la mort était une série B de luxe ; Planète terreur s’avère une série B de plus.
Ce n’est pas un scoop : à l’origine, Grindhouse ne devait constituer qu’un simple bloc dans lequel Quentin Tarantino et Robert Rodriguez affichaient la noble ambition de rendre hommage à la sous-culture seventies qui a nourri leur cinéphilie et qu’ils ont contribué à populariser dans les années 1990. À en croire les retombées, le premier épisode Boulevard de la mort signé par Tarantino n’a pas séduit autant que prévu (four au box-office US) et a poussé les plus fervents admirateurs du réalisateur à retourner leur veste. Or adopter cette posture signifierait renier une œuvre sciemment imparfaite qui jette un regard discrètement mélancolique sur tout un pan de cinéma avec un art consommé du dialogue (même si la verve de Tarantino montre quelques signes de faiblesse) et du fétichisme (les pieds et les voitures). Restons lucides : la grande scène finale de course-poursuite finale en référence à Point limite zéro ridiculise à elle seule toutes les tentatives de divertissement estival comme le dernier Michael Bay (prière d’oublier au plus vite la beaufitude insupportable et la balourdise formelle de Transformers).
Pourvu d’une sensibilité proche du jeu vidéo, le cinéaste Robert Rodriguez possède comme grande qualité de ne pas se prendre au sérieux. Ce qui est important lorsqu’on œuvre dans le divertissement frivole. Chacun trouvera son plaisir coupable en fonction de sa sensibilité. Maintenant, on a aussi le droit d’être plus exigeant quant à l’ambition intellectuelle d’un film (tirer dans tous les sens n’empêche pas de le faire également vers le haut). Mais le réalisateur n’a aucune envie de donner du sens à ses images, traite son récit au premier degré en opérant un crescendo dramatique convenu. En présentant ses personnages un à un avant de les ressembler pour qu’ils combattent ensemble les méchants zombies. Point barre. Planète terreur constitue un divertissement estimable mais il lui manque peut-être ce recul nécessaire (le point de vue d’un réalisateur actuel) pour créer une distanciation goguenarde séduisante. Avec plus d’enthousiasme et d’entrain, il avait déjà tâté ce terrain avec Une nuit en enfer, son meilleur film, une sorte de road-movie déjanté qui prenait une dimension gore et drolatique dans sa dernière partie. Ici, l’exercice semble paresseux même si les occasions de s’amuser ne manquent pas.
Pendant une première demi-heure laborieuse, Rodriguez semble perdu entre tous les composants de son récit, louvoie et peine à imposer sa marque. Il fait allusion au Boulevard de la mort en introduisant subrepticement l’un de ses personnages (l’animatrice radio black qui, nous annonce-t-on, est décédée récemment), mais pense avant tout à la fiction qu’il construit avant de citer des montagnes de références. C’est en cela qu’on ressent chez lui une fascination pour le contenant des films (les trucs débiles, l’immoralité de certains rebondissements) que le contenu (l’érudition cinéphile). Isolément, ses personnages peu substantiels ne révèlent aucun attrait particulier. En revanche, lorsqu’une interaction entre eux se crée, l’opus gagne en intérêt. On regrette du coup qu’il ait mis autant de temps à démarrer. Une fois que la machine est en route, le climax, vrai moment de jubilation, s’arrête hélas trop précipitamment.
Heureusement, Rose McGowan, revenue de sa Doom Generation, impose une présence magnétique, les effets gores demeurent efficaces (à l’aune de cette scène où les zombies sont zigouillés par un hélicoptère – on retrouvera cette même scène dans 28 semaines plus tard, de Juan Carlos Fresnadillo, le grand événement horrifique de la rentrée) et des personnages secondaires déjantés comme ceux incarnés par Bruce Willis et Quentin Tarantino distraient les mirettes. Plus simplement, l’envie de rester honnête avec son sujet constitue l’atout le plus sûr de ce film où l’exigence n’est point de rigueur.