De passage au festival du film de San Sebastian, Mort Rifkin (Wallace Shawn), un professeur de cinéma new-yorkais dont le prénom suggère cruellement le déperissement, tombe sous le charme d’une femme mariée, tandis que son épouse le trompe ostensiblement avec un jeune réalisateur. Bien souvent chez Woody Allen, une telle situation entraîne un cas de conscience. Que choisir ? Lequel de ces deux hommes me rendra heureuse ? Laquelle de ces deux femmes me comprendra ? Bien que le récit de Rifkin’s Festival se présente comme une confession faite sur le divan, il prend cette fois la forme d’un bilan doux-amer et résigné, plutôt que d’un de ces dilemmes brûlants auxquels le cinéaste nous a habitués. Cela tient en partie à ce que le film s’inscrit dans sa veine touristique (Vicky Cristina Barcelona, Minuit à Paris, To Rome with Love…) : la romance, légère et toujours éphémère, s’y confond avec la découverte de villes muséifiées qui sont autant de substituts pittoresques à New York.
Mais Rifkin’s Festival est surtout dépouillé du vernis glamour qui recouvrait ses films les plus récents et semble un prétexte pour offrir à Wallace Shawn, éternel second couteau, le rôle de choix de l’avatar du réalisateur. Voilà qui interrompt une tendance récente à recourir à des acteurs de plus en plus juvéniles (d’Owen Wilson à Timothée Chalamet), et le fait est significatif : Allen assume ici franchement la part de vieillissement, voire de décrépitude, de son cinéma. Dans de petites vignettes oniriques, il rend hommage aux films qui l’ont influencé (outre Godard et Bergman, le rosebud de Citizen Kane revient plusieurs fois), tout en exprimant son dédain à l’égard de ce que le septième art est devenu : « film festivals are no longer what they were ». La panne de cœur qui préoccupe Rifkin au début du film s’avère être également celle de Woody, qui s’en tient à ressasser une poignée de thèmes (l’envie, la peur de la mort, l’angoisse devant l’insignifiance de l’existence…) et d’archétypes (le raté, le cuistre, le couple adultère…) ayant nourri toute son œuvre. Rifkin’s Festival relève ainsi autant du film-testament que de l’aveu d’échec d’un cinéaste à bout de souffle.