Cinéaste habituellement exigeant, Gregg Araki s’est totalement laissé aller à la facilité avec ce pseudo-délire sur les drogues douces et ses effets secondaires. Si le propos se voulait léger, le résultat final, lui, est d’une telle vacuité qu’il est bien difficile de se distraire devant ce qui aurait pu être une farce décalée à la Reefer Madness.
Smiley Face fait certainement partie de ces films que l’on qualifie d’erreurs de parcours dans la carrière d’un cinéaste. Bien que son dernier long-métrage, Mysterious Skin, œuvre grave et plutôt audacieuse sur la pédophilie, fut certainement surestimé, Gregg Araki a une véritable patte au point d’être devenu, en l’espace de quelques films, l’une des valeurs les plus sûres du cinéma américain indépendant. S’ils furent décriés au moment de leur sortie, The Doom Generation et Nowhere avaient le mérite de se réapproprier un certain nombre de codes du film pour adolescent pour en dynamiter toutes les conventions. Autant dire qu’avec ce Smiley Face, la déception est grande, l’incompréhension totale. Même la présence d’Anna Faris (la série des Scary Movie, Lost in Translation, Le Secret de Brokeback Mountain) n’y fait rien. C’est le flop total.
Le semblant de scénario s’articule donc autour de Jane, jeune actrice qui, au lieu de courir les castings pour renflouer son compte en banque, passe son temps avachie sur le canapé à fumer de l’herbe en jouant sur sa console. Un matin, elle se goinfre de gâteaux que son terrifiant colocataire avait soigneusement préparés et mis au frigo. Erreur fatale puisque ces pâtisseries étaient en fait des space cakes (gâteaux préparés à base d’herbe) et que la jolie Jane va probablement vivre le plus long trip de sa jeune vie. Avec un tel postulat, Gregg Araki s’engouffre dans un déjà-vu assez redondant mais son audace habituelle laisse croire que le film pourrait franchir certaines limites ou explorer certains terrains que d’autres projets construits sur le même canevas n’ont jamais approchés. De celui qui est capable d’insuffler de la beauté et de la mélancolie dans une histoire pédophile (cf. Mysterious Skin), on est effectivement en droit de tout attendre. Tout sauf Smiley Face.
Anna Faris (volontaire et très second degré) parcourt donc la ville, le regard hagard, la démarche lourde et le sourire totalement idiot. Elle retrouve son dealer, passe un casting où elle tente de vendre de l’herbe à tout le monde, patiente chez le dentiste, se fait passer pour une syndicaliste au sein d’une usine agro-alimentaire, débarque chez son ancien professeur d’économie pour finalement se retrouver en possession d’un exemplaire original du Manifeste du Parti Communiste. Ce parcours du combattant est bien évidemment parsemé de gags plus éculés les uns que les autres (matérialisme ridicule, confrontation aux forces de l’ordre, choix insensés, chutes à tout va) au point que le délire voulu par le cinéaste finit par sombrer dans la potacherie la plus pathétique. Si le film ne dure qu’une heure vingt-cinq, les scènes s’étirent sans véritable inventivité, trop calquées à l’invraisemblable scénario qui tente de cacher sa totale vacuité derrière une multitude de rebondissements tous plus attendus les uns que les autres. D’une collaboration entre un cinéaste irrévérencieux et une des actrices les plus drôles de sa génération, on était en droit d’espérer mieux que ce Smiley Face anodin, sitôt vu, sitôt oublié.