C’est peu dire qu’on a été déçu par la découverte d’Un couple de Frederick Wiseman, sa deuxième fiction en 55 ans de carrière (et la première à trouver le chemin des salles). À partir d’une série de lectures, menées à voix haute et face caméra par Nathalie Boutefeu (aussi co-scénariste), des lettres, journaux et manuscrits de Sophie Tolstoï, le film revient sur la relation tumultueuse que celle-ci a entretenue avec son illustre époux. On reconnaît certes ponctuellement la griffe du cinéaste, à travers notamment ces plans de liaison qui raccordent entre elles les différentes scènes parlées, mais il ne reste là du cinéma de Wiseman que la part la plus platement démonstrative : un plan sur le ressac des vagues avant d’évoquer les fluctuations du sentiment amoureux, une plongée sur un marécage pour illustrer l’enlisement de la relation, une série d’images colorées sur la végétation de Belle-Île après que Boutefeu a décrit cette passion qui, en dépit des difficultés, se met parfois à refleurir.
Engoncé dans un dispositif quasi entièrement tourné vers le monologue, aux antipodes de l’enregistrement d’une parole collective et tentaculaire qui caractérise ses documentaires, Wiseman signe un film à la fois rachitique et balourd. Après le sommet que constituait il y a deux ans le monumental City Hall, le grand écart est pour le moins déconcertant.