Périlleux registre que celui de la parodie. Deux grandes façons d’en triompher semblent se dégager : soit l’on décide d’aller jusqu’au bout dans l’opposition au genre visé, de verser sans vergogne dans le laid, le gras ou l’absurde. Soit l’on décide de convoiter à la fois le beurre et l’argent du beurre, de tenter d’atteindre une efficacité premier degré tout en ménageant constamment une certaine distance avec l’action. Vu sous cet angle, le problème majeur de Votre Majesté est peut-être de n’avoir su choisir son camp.
C’est le genre du film d’aventures moyenâgeux qui est ici attaqué, et il faut reconnaître que Votre Majesté ne lésine pas sur la laideur et la vulgarité. Depuis la photographie, qui arbore les couleurs criardes d’un album de contes de fées, jusqu’aux coiffures, toutes plus grotesques les unes que les autres, un effort certain a été fourni pour que l’aspect repoussant du film atteigne au comique. La veine fantastique qui l’irrigue – sorciers, magiciens et oiseau mécanique sont au programme – semble n’avoir d’autre but que de conduire le film vers un degré d’aberration encore supérieur.
Servis par un duo d’acteurs singulier – déjà employé dans Délire Express –, les deux personnages principaux parviennent à exister avec un ridicule assez parfait. James Franco, dans le rôle du fils préféré, évoque si bien une niaiserie doublée d’une assurance corporelle sans faille que c’en est inconfortable. En face, les gestes toujours patauds et désynchronisés de Danny McBride font parfaitement exister son personnage de stoner paresseux, égoïste et fat, jaloux de la popularité de son frère.
Dommage qu’à partir de cette base plutôt aboutie le film se fasse indécis, en particulier dans son rapport au genre du « film d’aventures à tendance fantastique ». Les scènes de combat à l’épée, courses-poursuites en calèches et autres errances dans des labyrinthes sont mises en œuvre avec une sorte de lâcheté : Gordon Green ne s’y intéresse pas suffisamment pour les rendre convaincantes, mais il manque en même temps de rigueur et de zèle pour en faire des scènes comiques réussies. C’est peut-être aussi une question de talent. Disons-le, la façon dont la caméra est utilisée ici ne contribue en rien à la drôlerie du film ; celle-ci joue le rôle de simple outil d’enregistrement.
Votre Majesté souffre par ailleurs d’une seconde forme d’indécision – ou peut-être s’agit-il d’un excès de détermination : rarement un film aura semblé s’accorder avec une cible aussi restreinte. À côté de traits d’humour assez universellement appréciables, il se truffe de blagues qui n’en sont pas : de simples touches de vulgarité, qui n’ont rien de comique en soi, et semblent donc adressées à la part restreinte de l’humanité qu’une activité hormonale exacerbée rend particulièrement réceptive à tout ce qui est scabreux. Pourtant, le film démontre par quelques répliques touchant aux MST ou à la pédophilie qu’il faut avoir atteint un âge relativement avancé pour l’apprécier pleinement. De loin, Votre Majesté ressemble à une version « live action » de Shrek, mais alors que le film d’animation savait susciter différents niveaux de lecture et concentrer des formes de rires diverses, celui de David Gordon Green a trop souvent recours à des facilités pour pouvoir fédérer ne serait-ce que la seule population adolescente.
Cet échec du film à produire un spectateur multiple va néanmoins de pair avec une qualité remarquable : un refus de sauver ses personnages du ridicule. Même dans le registre de la comédie, Hollywood a encore du mal à accoucher de figures absolument dénuées d’attributs positifs. Ici, rien ne vient absoudre l’anti-héros ; du début à la fin du film, il ne fait aucun progrès et sa personnalité ne s’enrichit d’aucune face cachée. Si le jusqu’au-boutisme ne caractérise pas le film dans son ensemble, il est ainsi présent par touches, à certains niveaux, si bien que sans être réussi, Votre Majesté reste plutôt sympathique.