Comme son titre l’annonce, il est question de fin dans Halloween Ends – et même de plusieurs fins. D’abord celle de la trilogie entamée par David Gordon Green en 2019. Puis celle de la saga, composée des treize films engendrés, depuis quarante ans, par le chef-d’œuvre de Carpenter. Enfin, celle d’un personnage emblématique, Michael Myers, que ce chapitre final enterre à la manière d’une rock star. Halloween Ends est donc un film qui cumule les fins. Ce n’est pourtant pas un film-somme, une anthologie ou un best of : la fin y apparaît moins comme un programme commercial (au sens où Gordon Green capitaliserait sur l’histoire de toute la saga) que comme un sujet – l’unique sujet. Halloween Ends est un film sur la fin, l’usure, l’épuisement ; son prologue n’est pas loin de ressembler à celui du dernier Scream : la mise en scène s’amuse de rôles prédéfinis (le baby-sitter, l’enfant terrifié) et d’objets fétiches (un couteau de cuisine posé sur une table), auxquels le spectateur ne croit plus vraiment. Le dénouement attendu de la séquence est donc inversé, selon un procédé que tout le film va décliner : au lieu de boucler, il défait ; au lieu de satisfaire des attentes narratives, il déprogramme ; au lieu de s’intéresser au tueur masqué, il regarde ailleurs.
L’éclipse de Myers dans la première moitié du récit constitue une très belle idée. Rendu à sa fonction d’incarnation du Mal, le tueur vit dans une tanière à côté d’un sans-abri et continue de hanter Haddonfield comme une vieille légende. L’épilogue du film, qui s’orchestre autour d’un convoi funéraire, montre comment la ville célèbre son démon tout en lui disant adieu : la dépouille de Myers est portée par la foule comme dans une séquence de stage diving ; on enterre un roi. Sans vouloir forcer la comparaison avec les icônes brûlées de l’industrie américaine (Marilyn, Elvis) que le cinéma hollywoodien a voulu ressusciter cette année, il est difficile de passer sur ce geste de fétichisation mortuaire, qui représente peut-être le seul effet de bouclage du film. Il est difficile aussi de ne pas voir que Myers tire sa révérence dans un paysage cinématographique un peu crépusculaire, notamment au regard de celui dans lequel il est apparu, il y a de cela quarante ans.
Halloween Ends aurait pu se complaire dans cette esthétique mélancolique (le film a parfois un côté Mourir peut attendre), mais l’éclipse de Myers ouvre la voie à un personnage nouveau d’apprenti-tueur : Corey Cunningham. En introduisant une romance entre Corey et Allyson Strode (la petite-fille de Laurie), Gordon Green rappelle que l’essence du film de Carpenter ne tenait pas seulement dans les apparitions-disparitions du tueur, mais aussi dans le regard qu’il portait sur la jeunesse américaine, au seuil d’une décennie qui s’apprêtait à la célébrer (les années 1980 demeurent définitivement l’âge d’or du teen movie). Par quoi la jeunesse est-elle hantée ? Halloween Ends repose cette vieille question propre au slasher en la traitant dans un lyrisme un peu démodé, presque romantique à force d’excès. Les scènes de promenades en moto comptent parmi les plus belles du film ; elles évoquent autant James et Laura dans Twin Peaks que l’esprit dark du dernier Batman, où Pattinson traverse Gotham sur Something in the Way de Nirvana. Elles confèrent à la jeunesse d’Halloween Ends un désespoir très contemporain, où l’on peut lire à la fois un portrait de l’Amérique blanche déclassée et l’expression d’une colère qui doit exploser, comme dans le Joker de Todd Phillips.
C’est par cet aspect, que l’on pourra qualifier de politique, qu’il est possible de mesurer l’apport de Gordon Green à la franchise. Dans le précédent volet de sa trilogie (le peu aimé Halloween Kills), Myers apparaissait comme une bête traquée répondant à la violence de ses agresseurs par une rage dévastatrice. Avant que tout ne s’efface, avant que l’homme au masque blanc ne soit porté par les habitants d’Haddonfield jusqu’à l’endroit où il va connaître son apothéose, il aura transmis à la jeunesse le feu de sa révolte. On ne l’attendait pas sur ce terrain-là.