Quatre ans avant The Neon Demon, Nicolas Winding Refn livrait déjà une synthèse des enjeux de son futur film avec une publicité pour le parfum Gucci Premiere, où le corps lumineux de Blake Lively préfigure celui d’Elle Fanning.
1) La publicité débute avec un panoramique reliant trois éléments : le logo de la marque, les lumières de la Cité des Anges et le corps de Blake Lively face à une vitre. Le plan suivant voit ce même corps dans une robe pailletée fendre perpendiculairement l’horizon de Los Angeles. Blake Lively forme désormais une croix, tandis que le sol de son appartement épouse les contours d’un prisme optique. Lively, au sommet de cette « pyramide de verre » triplant sa figure, semble dès lors recevoir la lumière de la ville pour la redistribuer à nouveau dans l’espace qui l’entoure. Que ce soit par l’entremise de sa robe ou de la peinture dorée déposée sur la silhouette nue d’Elle Fanning dans The Neon Demon, le corps des deux actrices s’apparente ainsi à une surface réfléchissante qui naît de la lumière et la répand tout autour d’elle.

2) Cet attrait pour la lumière nécessite, pour Blake Lively comme pour Elle Fanning, d’accepter leur possible duplication. Dans la publicité Gucci, le corps de Blake Lively est ainsi multiplié par les vitres de son appartement et par plusieurs miroirs devant lesquels elle se parfume : être une image lumineuse exige de faire corps avec ses propres doubles. Dans The Neon Demon, la duplication d’Elle Fanning participe à la fois à la fragmentation de son image (les reflets dans les miroirs d’une cabine ou sa multiplication figurale) et à son funeste destin (elle finira dévorée). Devenir un corps lumineux revient aussi à prendre le risque d’être ravalé par celles et ceux qui souhaitent, à leur tour, faire corps avec la lumière.
3) Après une transition entre la nuit de Los Angeles et un tournage dans le désert californien, Nicolas Winding Refn fait lui-même son apparition dans la publicité pour incarner celui qui permet à Lively de faire corps avec la lumière. Le montage alterné entre Lively contemplant la ville et le tournage où elle est dirigée par Refn suggère ici, par le truchement de son regard ébahi, qu’elle est consciente de sa fonction de médium lumineux. À la fin de la publicité, une succession de plans voit Lively sortir d’un ascenseur. Ici, le cadre est lui aussi fragmenté par plusieurs surcadrages : celui formé par les bords de l’ascenseur et celui qui se resserre progressivement autour du corps de l’actrice lorsque les portes se referment derrière elle. Une fois l’ascenseur quasiment clos, une forte lumière surgit, irradiant totalement l’écran jusqu’à faire disparaître Blake Lively. La star est ici l’image d’un corps qui, au fil d’une série de fragmentations, finit donc par se fondre dans la lumière.

