Dans une contrée imaginaire, chaque infraction conduit à la mise à mort d’une doublure, créée pour l’occasion, de la personne incriminée. C’est ce que découvre James Foster (Alexander Skarsgard), auteur médiocre en quête d’inspiration dans un hôtel de luxe. Au moment de contempler son double se faire exécuter à sa place pour avoir renversé un piéton, quelque chose, dans son regard fasciné par la scène, semble indiquer un bouleversement, comme une envie irrépressible de jouir de cette violence. Entraîné par une bande d’aristocrates et en particulier par Gabi (Mia Goth), une jeune femme à l’aura vénéneuse qui l’encourage à explorer cette perversité enfouie, l’écrivain se prend peu à peu au jeu et participe à son tour à l’humiliation puis à l’exécution de plusieurs de ses doublures. Cette virée infernale se retournera évidemment contre le romancier envoûté : le récit d’Infinity Pool épouse platement la dynamique d’une spirale infernale, annoncée dès les premiers plans par une série de panoramiques circulaires sur des paysages tournoyant sur eux-mêmes.
Si le troisième film de Brandon Cronenberg, encore sous l’influence écrasante de son père, ne brille donc pas par son originalité, on déplore surtout qu’il s’en remette, pour manifester un soupçon de singularité, à une intensité en toc. À plusieurs reprises, Infinity Pool a recours, lors d’orgies musicales ou de scènes dans lesquelles sont manufacturés les doubles, à des distorsions graphiques et à des effets psychédéliques pour figurer une sorte d’ivresse viscérale tombant hélas systématiquement à plat. Il faut dire qu’un tel passage en force fait difficilement écran, d’autant que le reste de la mise en scène repose sur l’arsenal habituel du film mental et chaotique : plans décentrés, longues focales exagérées, choix de cadrages incongrus, bruitages au volume surélevé, acteurs qui hurlent en ricanant, etc. De quoi rendre l’excitation ressentie par le personnage principal encore plus pathétique : dans cette histoire, il est bien le seul à être impressionné par ce qu’il voit.