L’Adamant est une péniche située au pied du pont Charles-de-Gaulle, sur laquelle un « centre de jour » accueille des patients psychiatriques issus des quatre premiers arrondissements de Paris. Le nouveau documentaire de Nicolas Philibert, récipiendaire de l’Ours d’or à la dernière Berlinale, se focalise presque exclusivement sur cette institution, à l’exception de quelques brèves incursions sur les quais avoisinants. Il s’applique surtout à décrire les rapports de solidarité internes qui régissent ce microcosme. Les quelques plans de coupe qui rendent présent l’environnement immédiat (la Seine, le site François-Mitterrand de la BNF ou la Cité du Design) rappellent surtout que l’Adamant constitue une sorte de bulle au milieu de la vie urbaine. Plus que le bâtiment lui-même, ce sont les patients et les animateurs qui intéressent Philibert. Le documentariste alterne principalement deux types de séquences : les discussions face caméra avec les malades (parfois avec l’équipe du film, mais le plus souvent avec celle de l’Adamant), et les activités créatives (écriture, dessin, peinture, etc.) auxquelles ils se livrent ensemble.
Filmer la « folie » (c’est en ces termes que les protagonistes la désignent) dans un espace globalement apaisé conduit à ne pas la montrer comme une simple privation (de rationalité, de sérotonine, de sociabilité), mais au contraire comme une autre expérience du monde. La souffrance des patients et des patientes n’est pour autant pas évacuée du film : elle affleure plus ou moins explicitement à travers certains témoignages poignants, que Philibert laisse se déployer longuement dans un montage avare en coupes. On sent à l’œuvre un véritable travail sur l’improvisation cherchant à capter spontanément les diverses manifestations de la souffrance mentale. La mise en scène évite toute position de surplomb, laissant les patients faire advenir le sens du film par eux-mêmes, que ce soit directement par la parole ou à travers leurs interactions avec les animatrices et les médecins. Le titre du film renferme toutefois un paradoxe, car s’il se déroule bien « sur » l’Adamant, Nicolas Philibert ne réalise pas vraiment un documentaire sur le lieu en question. La spécificité de l’endroit, à commencer par le fait qu’il s’agit d’une péniche située en plein Paris, n’est jamais abordée avec les patients. Son fonctionnement concret, sa structure architecturale et ses effets sur la vie psychique des patients resteront obscurs jusqu’à la fin du film, de sorte que le programme documentaire de Nicolas Philibert reste à moitié honoré : s’intéressant moins au lieu éponyme qu’aux pathologies qu’il abrite, il propose in fine une « bateaulogie » quasi exclusivement mentale.