Les hostilités sont lancées avec le début de la compétition. Nous avons pu voir deux courts-métrages de fiction très maîtrisés. Le premier, Silencio du Thaïlandais Sivaroj Kongsakul, qui filme un preneur de son partant en quête du silence. Ce qui intéresse d’emblée dans cette œuvre c’est sa puissance poétique : l’œuvre est une succession de plans contemplatifs où les sons enregistrés par un personnage lunaire contaminent l’espace filmique. La bande son se fait alors métaphore des ressentis du protagoniste qui rêve de capter le silencieux. C’est aussi un rapport très fort entre l’Homme, son corps, ses perceptions et la nature ambiante, comme souvent dans les cinémas d’Asie de l’Est et du Sud. Le deuxième court, Sois sage, ô ma douleur – tiré des Fleurs du mal de Baudelaire –, du Français Damien Manivel, est un portrait anatomique d’une jeune femme qui éprouve des difficultés à habiter son corps. L’intériorité du personnage est analysée et extériorisée par le biais d’un découpage filmique qui se focalisent sur des parties de son corps en action et en souffrance. L’œuvre se termine de manière radicale par un plan organique de « l’héroïne » présenté de manière frontale.
La compétition des courts-métrages documentaires, commence également avec succès grâce à deux films français que l’on peut lier l’un à l’autre par leur musicalité. Le premier, But We Have the Music de Shanti Masud nous présente des portraits de ses amis filmés en super 8 et en noir et blanc, sur des morceaux de musiques rock et folk. Les morceaux se propagent sur l’espace filmique comme extériorisation de la personnalité des sujets filmés, mais aussi comme réaction de l’individu face à cette musique. Les personnages se livrent à la caméra dans une mise en scène musicale où les sons font office de direction d’acteur. On est ainsi dans un espace d’écoute et de ressentis. Le film se termine par un morceau du Gun Club, ce qui permet de réaliser une transition parfaite avec le deuxième court, Hardtimes Killin’ Floor Blues de Henri-Jean Debon, qui est un doc sur Jeffrey Lee Pierce, le chanteur du groupe australien, mort en 1996. Ce qui étonne de suite, c’est que cette œuvre a été réalisée grâce à des rushs vieux de 14 ans. L’auteur, grand fan du chanteur, l’avait filmé avec une caméra Super 8 sans penser un jour en faire un documentaire. Il a ainsi réalisé un montage qui permet de nous livrer un film attachant, car très franc. Debon filme son idole avec un réel respect et sans aucune ironie alors que l’on découvre un artiste ruiné et en mauvaise santé, véritable caricature du bluesman en fin de carrière. Hardtimes Killin’ Floor Blues est une œuvre d’autiste selon l’auteur mais on peut surtout y voir une certaine désacralisation de l’idole, filmée en gros plans dénués d’artifices. Ce n’est pas de l’idolâtrie, mais plutôt de l’amour pour l’individu filmé. Debon est constamment en retrait, sa présence se faisant uniquement ressentir par le son de la caméra qui semble signifier son émoi devant le chanteur.