L’une des trois purges de la compétition officielle (avec Antichrist de Lars Von Trier et Enter the Void de Gaspar Noé) est une adaptation coréenne d’un roman d’Émile Zola, Thérèse Raquin. Soit l’histoire d’un couple adultère qui, pour vivre pleinement sa passion physique, assassine un mari gênant. Présentée comme cela, la chose attise la curiosité. Sauf qu’ici, la visite rendue à un classique de la littérature française s’opère par le truchement tordu d’un virus mortel – qui fait pousser sur tout le corps d’affreuses pustules – et de son seul remède, le vampirisme. Face à cette approche se posent successivement deux questions. La première est : pourquoi pas ? Un prêtre forcé de boire du sang pour combattre le virus qu’un institut catholique de recherche lui a inoculé, selon sa volonté, voit, suite à cela, sa libido grimper en flèche. Or, la femme d’un ami d’enfance – un brin demeuré – se trouve dans les parages : vous imaginez la suite. Après tout, rien ne nous oppose à la désacralisation des monuments littéraires. Il doit être possible de s’en inspirer dans un style ni sclérosé par le respect, ni intimidé par leur grandeur. Très peu de temps après cette installation arrive la seconde question : à quoi bon ? Tout pèse des tonnes chez Park Chan-wook. Tout est hyper démonstratif, indigeste, amplifié, hurlant, hystérique, excessif. Sa mise en scène éléphantesque se veut libre et pleine d’inventivité, mais elle ne sait faire que des moulinets, tournant sans fin autour de ses sujets, comme pour détourner notre attention du vide intersidéral de son découpage (et, par conséquent, de sa pensée). Le film aurait pu être une rêverie surréaliste, un savoureux coq-à-l’âne (on ne détrône pas si facilement le roi Resnais), un cadavre exquis, un raccord audacieux entre naturalisme et fantastique. Que nenni. Le cinéaste semble avoir pris son parti de la redondance : tout est répété jusqu’à plus soif (jeu de mot), jusqu’à ce qu’on ait envie de crier : « Stop ! On a compris ! » Exemple : le prêtre Sang-hyun est malade, il boit du sang, il guérit, il boit du sang, il guérit, il boit du sang, il guérit… Le film traîne, pendant deux heures et quart interminables, l’interprétation plus crispée qu’outrée de ses acteurs. On nous expliquera qu’il s’agit d’humour. Un humour qui culmine lorsque l’ami d’enfance de Sang-hyun lâche à table un pet immonde que sa mère, très possessive, s’empresse de renifler avant d’émettre un diagnostic : « Ça sent comme ta dernière gastro. » Mort de rire.