Palmé d’or en 2007 pour son deuxième long-métrage (4 mois, 3 semaines, 2 jours), le retour de Mungiu en sélection officielle cinq après suscitait logiquement une certaine attente. Après coup, il laisse assez dubitatif. Alina revient d’Allemagne et retrouve sa meilleure amie Voichita, nonne dans un monastère orthodoxe. La communauté est juchée sur une colline, à la marge d’une petite ville. Une ribambelle d’ombres noires féminines et un pope à l’allure dostoïevskienne (comme beaucoup de popes) ; le décor est planté : austère. Meilleures amies depuis leur enfance à l’orphelinat, la relation entre les deux protagonistes est nouée par l’ambiguïté amoureuse. Alina va ainsi représenter le vers dans le fruit, pas moins que le Mal et Satan. Mais Mungiu ne verse jamais dans le surnaturel en maintenant l’ensemble dans un matérialisme rugueux, mis en tension avec le mysticisme ambiant. Mungiu pose régulièrement sa caméra pour des plans-tableaux qui ne font pas mal aux yeux (compositions impeccables, beaux jeux de regards dans les scènes de groupe), mais on se demande néanmoins où est passée l’énergie viscérale de 4 mois, 3 semaines et 2 jours, cette forme de nécessité rageuse. Dit simplement, Au-delà des collines paraît régulièrement empesé.
En étant bienveillant, on dira qu’on est en présence d’un gros morceau, ardu (donc à ne pas voir dans un état de fatigue inhérent à la condition festivalière), à revoir pour qu’il puisse livrer toute son ampleur. On peut aussi considérer que Mungiu tourne autour du pot pendant 2h30, faisant de son film un roc aussi impénétrable que les psychés tourmentées. Dans le plan final, le cinéaste semble singer ce qui a fait la marque de la «vague roumaine» : étrangeté des choses et opacité kafkaïenne de la réalité. Les données du problème sont pourtant claires comme de l’eau de roche : folie et hystérie liées à la frustration sexuelle – schéma repérable dans toutes affaires de sorcellerie de l’histoire en milieu monastique (par exemple les sorcières de Loudun dans les années 1630, avec le charismatique Urbain Grandier). Plus riche est le rapport entre Alina et Voichita, deux enfants perdus, âmes errantes dans un monde inhabitable. Se joue entre elles un impossible agencement, où l’on comprend qu’il s’agit d’une relation maudite, condamnant l’une afin de rendre l’autre libre.