Depuis quatre ans, le Pavillon des Cinémas du Monde organise pendant le Festival de Cannes « La Fabrique des cinémas du monde », un programme d’aide au développement de premiers ou seconds longs-métrages de fictions et de documentaires issus de pays du Sud. Cette année, les 10 projets retenus (sur 150 reçus) venaient de Birmanie, Madagascar, Vietnam, Rwanda, Chili, Brésil, Paraguay, Iran, Palestine et Tunisie. La Fabrique propose à leurs auteurs et producteurs divers rendez-vous avec des producteurs, distributeurs, chaînes de télévision… qui devraient leur permettre de boucler leurs budgets et leur ouvrir les portes de la diffusion. On ne signe pas d’accords ici, on prend contact en vue d’y parvenir, plus tard. En mettant les dix auteurs sur le devant de la scène médiatique, la Fabrique attire également sur leurs projets bon nombre de regards.
Autour d’un buffet faste comme il s’en fait à Cannes, le cinéaste tunisien Majdi Lakhdar sélectionné cette année nous parle, avec passion et pertinence, de son projet.
Majdi a 25 ans, il est né à Tunis et il s’est diplômé à l’Institut Supérieur des Arts du Multimédia de Manouba. Il a écrit et réalisé des courts-métrages (dont Le Dossier, visible cette année au Short Film Corner), il joue aussi, dans ceux des autres, et écrit des critiques de cinéma dans le quotidien tunisien Le Temps. C’est la première fois qu’il vient à Cannes, la première fois qu’il vient en France. Son projet, qui sera tourné à Tunis, s’intitule Please Yourself with the Worst/Contente-toi du pire. Au départ, il s’agissait d’un court-métrage, que Majdi proposa en 2009 au producteur Mohamed Ali ben Hamra, rencontré au Festival de films d’études Laureato Film Festival de Turin dont il était président (et où Le Dossier était sélectionné) et gérant de Polymovie International Pictures (qui a produit 5 courts-métrages tunisiens et italiens, en développe d’autres et prépare un long – Hourya, de Mehdi Hmili, auteur de La Nuit de Badr). On conseilla au jeune homme de développer Please Yourself… en long-métrage.
La version présentée à la Fabrique résulte d’un travail de réécriture effectué en mars dernier à l’atelier Sud Ecriture, au Bénin, encadré par Jacques Fieschi. L’histoire, portée par l’idée que « la peur du changement nous étouffe » et que cela a des répercussions sociales et politiques, est celle d’une famille habitant le sous-sol en ruine d’une villa (qu’ils ont vendue à leur voisin) et qui est devenue spécialiste en bricolage à force de rénovations. Le père ne vit que pour racheter sa maison. Lorsqu’un mur est construit devant le sous sol par le voisin désirant démolir le tout pour édifier un immeuble, la famille décide d’y rester.
C’est avec la version travaillée au Bénin que Majdi et son producteur doivent trouver des partenaires financiers pour boucler leur budget (estimé à 1 005 000 euros, il compte 200 000 euros du producteur et l’engagement de l’État tunisien de donner 35% du total – plafonné à 250 000 – à condition que le reste soit trouvé). Pour Majdi, le séjour à La Fabrique fut une formidable occasion, de rencontrer d’autres auteurs, d’autres univers, de se laisser happer par le frénétique rythme cannois, de se surprendre à l’adopter. Et surtout, de voir au fil des jours augmenter ses chances de finaliser la préparation de son film.