C’est fait pour ça : discuter, s’écharper, dire sa déception et son incompréhension. Un palmarès, c’est aussi fait pour jouer (rien n’interdit de faire le sien) et pour être oublié. N’empêche que les prix distribués – par tirage au sort ? par dessus la jambe ? – laissent pour le moins dubitatif, d’autant plus par un jury présidé par Nanni Moretti. Il n’est pas discutable que Michael Haneke pouvait être récompensé pour Amour, pas seulement un film estampillé « qualité festival hanekienne », mais la complète réussite d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens, qui ne s’est pas contenté de resservir une recette. Il faudra éventuellement revoir Dupa Dealuri (Au-delà des collines) de Cristian Mungiu (Prix du scénario et prix d’interprétation féminine à Cristina Flutur et Cosmina Stratan), qui nous a peu convaincus. Pour le reste, pas difficile d’imaginer que Ken Loach (Prix du jury pour La Part des anges) demeurera un cinéaste pour lequel on a plus de sympathie que d’enthousiasme, Carlos Reygadas restera (Prix de la mise en scène avec Post Tenebras Lux) dans son ornière, Thomas Vintenberg (Jagten, pour lequel Mads Mikkelsen a reçu le Prix d’interprétation masculine) aux oubliettes – pour éventuellement en ressortir lors d’une prochaine sélection officielle à Cannes ; Matteo Garrone (Grand Prix avec Reality) au rang de cinéaste de l’épate voué à amuser la galerie. Il faut s’y faire, Cannes c’est aussi ça. Alors ne mordons pas plus à l’hameçon, le grand raout est fini pour cette année ; le cinéma va reprendre son cours normal, tant mieux. On a pris la mesure de ce à quoi vont ressembler les prochains mois de cinéma, et ces films vont désormais être soumis à l’appréciation du regard des spectateurs dans les salles, à nous de les accompagner au mieux. Chérissons la grande œuvre de ce festival : Holy Motors de Leos Carax, auquel il faut associer son prodigieux interprète, Denis Lavant. Parlons-en, tentons d’exprimer en quoi ce film est sublime et important, pourquoi il fait davantage honneur au cinéma que les autres propositions de cette édition 2012. Tel est notre rôle : au boulot !