Dans un pays inconnu loin de tout, en montagne, boisé et sous la neige, une famille vit autour d’un lac : Alexis, bûcheron épileptique, qui a avec sa sœur Hege une relation fusionnelle, leur petit frère et leur parents (que l’on voit peu). Un jour, un beau jeune homme arrive pour travailler avec eux. Et fait découvrir à Hege ce qu’est le désir, confrontant Alexis à une inévitable séparation d’avec sa sœur. Le travail de Philippe Grandrieux explore divers continents, la vidéo, les installations, les essais, le documentaire. Ses récits sont proches de l’expérimental. Avec Un lac, il travaille la matière de l’image, qui tremble, scintille, joue avec une palette de blancs, bleu-gris, noir. Pas d’excès d’abstraction pour autant, ce sont bien les personnages qui sont au centre du film. La caméra est souvent collée à eux, décrit des mains qui se touchent, des caresses dans les cheveux, un regard. On écoute intensément leurs cris, chuchotements, rires, respirations, bruits de pas dans la neige… Les comédiens sont russes, et lorsqu’ils parlent (en français), la rugosité de leur prononciation compte davantage que le sens des paroles. L’ambiance d’Un lac est forte : le lac est d’ailleurs peu à l’écran car il compte moins comme décor que comme image mentale qui a guidé l’écriture du film, puis, lors du tournage, présence qui a donné le rythme. Film sensuel expérimental, certains le trouveront poseur et ennuyeux. Parce que le travail sur l’image et le son ne fait pas oublier à Grandrieux son récit et ses personnages, que les images sont souvent belles, les corps et la nature rendus palpables, Un lac immerge dans un univers singulier et marquant qui demeure accessible.