The Sky Crawlers se déroule dans une base militaire aérienne, sorte de non lieu hors du temps. Dans ce monde, les guerres entre pays n’existent plus. Pourtant, parce que les hommes ne se sentent pas exister en temps de paix, ils organisent des combats aériens, pour le spectacle et pour parer au désœuvrement. Les adultes ordonnent les batailles, les Kildrens les accomplissent. Ces Kildrens, qui sont les personnages du film, sont des enfants qui ne grandissent pas. Il n’y a qu’au combat qu’ils peuvent mourir, sinon ils sont éternels. Au fil du quotidien de Yuichi, le protagoniste nouveau venu dans la base militaire, de l’énigmatique commandante Suito, c’est dans un monde désespérant que l’on pénètre. Les immortels sont tristes, outre les combats qui les stimulent encore, ils n’ont pas de but. Au mieux, ils errent dans de froids décors, au pire ils souffrent de traumatismes anciens. Ces Kildrens représentent pour Oshii la jeunesse actuelle des pays développés, qui ne connaît pas la guerre, la faim, la misère, et qui s’ennuie, se suicide, s’entretue. À travers son film (adapté d’un best-seller de Mori Hiroshi), le cinéaste dit vouloir redonner espoir à la jeune génération. Son protagoniste se fait ainsi porte parole du cinéaste, lorsqu’il répond à la monotonie que promet la vie éternelle que chaque jour qui passe est toujours porteur d’une nouvelle richesse qu’il faut apprendre à voir. Mais outre quelques sentences, le message d’espoir est loin d’être ce qui frappe dans The Sky Crawlers. On en retient surtout le climat de désespoir rendu très prégnant : le rythme est lent, les couleurs grises, l’espace vide, les visages figés, les corps, pourtant graciles, semblent lourds. L’omniprésence de cette mélancolie est l’une des forces du film. Elle rend cependant les deux heures un peu longues, malgré les scènes de combats en avion où la vie semble reprendre. Le regard que l’on peut porter à The Sky Crawlers oscille entre deux tendances. Oshii réussit à nous rendre familier l’état d’esprit de ces improbables Kildrens, dans ce temps et ce lieu incertains. La froideur générale engendre également une approche plus théorique de leurs problématiques (le besoin de se donner un but, du spectaculaire, l’incapacité à vivre dans le calme…).