Voici un film qui célèbre l’Italie que l’on aime : ses criques turquoise, ses villages typiques, ses grands-pères pittoresques, ses petites frappes à scooter et… ses immigrés clandestins ! Crialese n’a pas peur du sujet qu’il prend à bras-le-corps, et fort de toute sa grandiloquence, finit par créer un profond malaise (peut-être un malentendu) sur la représentation qu’il donne des migrants africains venus s’échouer sur les côtes de ce qui ressemble beaucoup à Lampedusa. Terraferma s’ouvre sur le portrait d’une famille de pêcheurs traditionnels rendus caducs par la méchante modernité et obligés de se reconvertir dans l’accueil des touristes qui, évidemment, arrivent par cargo l’été et dansent vulgairement sur de la musique décadente. Déjà obligée de se farcir les continentaux, la petite famille se retrouve au centre d’un problème de société cher à ce réalisateur du déracinement et de l’exil : les conditions atroces d’arrivée et de survie des clandestins. Crialese maîtrise parfois sa forme et offre deux ou trois belles toiles de fond, mais dilue systématiquement son propos dans la volonté d’émerveiller par une virtuosité statique, ou de choquer le chaland droit dans ses bottes au travers de scènes assez gratuites. L’une d’entre elles suit la croisière nocturne du jeune Filippo (grotesquement interprété par Filippo Pucillo) interrompue par l’arrivée en masse de clandestins à la nage : frappant les mains de ces derniers pour les empêcher de monter à bord, il réussit à échapper à la menace. Crialese crée ici un suspense factice qui font de ceux qui auraient dû être les protagonistes (les clandestins) sa chose dramatique. Jamais incarnés, filmés avec misérabilisme (la femme recueillie par Filippo et sa mère n’est émouvante que parce qu’elle a été violée par ses geôliers libyens), ces êtres en souffrance ne sont que des prétextes, des pantins au service d’une fresque molle et dérangeante. La Mostra prouve une fois de plus que le cinéma italien n’est pas à son zénith.