Le nouveau film du Sud-Africain Oliver Hermanus (Beauty) fait déjà partie des films les plus hués de cette Mostra. Pas si évident, pourtant, de le classer dans le pire du pire de ce qu’on a vu jusqu’à maintenant, vu les quelques effrayants spécimens qu’on a dû endurer. Rien que dans la catégorie des films dont la présence ici reste un sujet de grande perplexité, rappelons l’existence du calamiteux Equals (en compétition : incompréhensible !). Mentionnons aussi Man Down de Dito Montiel que l’on a vu salué, lui, par un silence assourdissant, nul n’ayant su s’expliquer la sélection en Orizzonti d’un thriller psychologique foireux qui semblait égaré des direct-to-DVD d’il y a dix ans… The Endless River n’est pas ce genre d’anomalie. Mais il justifie hélas l’incompréhension qu’il a pu susciter : il est évident qu’il tente certaines choses, mais dans une direction qu’on qualifiera poliment de floue ; et surtout, quoi qu’il entreprenne, il le rate indéniablement.
Après un générique au design inspiré des films de l’âge d’or de Hollywood et qui laisse anticiper un hommage au classicisme, voilà que le film montre des signes non de classicisme, mais d’académisme, à commencer par ce découpage en chapitres qu’on commence à trop bien connaître dans les films de festivals, et qui ici s’avère assez superflu. Le scénario qui se déroule invoque le souvenir des films noirs à l’ancienne pour le tirer vers le mélodrame. Un homme trop proche des gangs sort de prison, retrouve sa femme qui l’attendait sagement mais sans passion, puis se remet à ses mauvaises fréquentations. Un autre, un Français expatrié (joué par Nicolas Duvauchelle) dont la femme et les enfants ont été sauvagement assassinés, jure de les venger face à l’impuissance des autorités. Sa route et celle de la femme du mauvais garçon finissent par se croiser et se rapprocher… Problème : il semble que Hermanus se soit contenté de coucher sur le papier ces lieux communs, avant d’espérer leur conférer chair et émotions par le volontarisme de sa mise en scène. Or il ne sait s’y prendre que de la plus grossière des façons. Ainsi déploie-t-il tout du long un art consommé des face-à-face en champ-contrechamp interminable en prenant soin de ménager de longs silences entre les phrases des interlocuteurs (même quand l’un d’eux décide de ne rien dire du tout), espérant sans doute que ces silences et cette longueur signifieront bien la lourdeur de l’ambiance et le désarroi des âmes — tandis que la caméra traque les tics faciaux des personnages en gros plan, soit pour les figer dans leur mutisme, soit pour guetter leur performance dramatique démonstrative (et Duvauchelle, pourtant méritant, de devenir assez pénible dans ses crises de larmes et de colère à rallonge). Cette conception de l’émotion cinématographique véhiculée par un tel forçage — par un pathos entravant à ce point les sens — à laquelle s’ajoutent des tics issus de rien d’autre qu’une volonté d’emballer un peu mieux le tout (tels que ces plans sur des phares de voiture sous la pluie, censés instiller un doute de pacotille), achèvent de faire dériver The Endless River vers une embouchure qui nous indiffère.