Cars 3 est un drôle de film, une suite assez étrange qui tente de revenir plus ou moins adroitement à ce qui faisait la beauté du premier volet : Flash McQueen, jeune voiture de course aux dents longues, arrogante et trop sûre de ses capacités, y faisait l’expérience de l’humilité dans une petite ville de la route 66 où un vieux briscard, Doc Hudson, devenait son mentor et le remettait dans le droit chemin. Ce Doc Hudson n’était pas n’importe qui : c’était Paul Newman lui-même qui lui donnait sa voix, et sa disparition en 2008 explique son absence dans Cars 2, épisode peu aimé, qui marque historiquement un fléchissement de la période artistique la plus riche de Pixar. Dans Cars 3, non seulement Flash McQueen est désormais un vétéran dépassé par l’évolution des courses automobiles, mais le fantôme de Doc Hudson, présenté cette fois-ci comme mort, vient le hanter : lui aussi va-t-il connaître une fin de carrière cruelle, lui aussi va-t-il trouver un plaisir à transmettre son savoir et voir grandir ceux qui vont lui succéder ? Le film s’appuie sur un paradoxe un peu curieux, tant il cherche à creuser à la fois une piste mélancolique – in fine, le film est un apprentissage doux-amer du lâcher prise – tout en n’assumant pas clairement l’obsolescence de son personnage.
C’est que Flash McQueen a toujours de la ressource et que sa crise semble plus morale que physique : au pays des voitures-toons (comme les deux précédents volets, le film joue ouvertement la carte de l’anthropomorphisme), les corps numériques ne vieillissent pas, seule l’apparition de nouveaux bolides, à l’apparence plus moderne, contribue à vieillir les personnages familiers. L’émouvante piste de Cars 3, aussi modeste que touchante (pas de grande course à gagner, ni de complot à déjouer : simplement prendre encore un peu de plaisir, tenir face à la nouvelle garde, retarder l’instant fatidique de la retraite), souffre toutefois d’être écrasée par un double programme : graphique, celui d’un monde sans obsolescence, et scénaristique, le film assumant de reprendre la trame traditionnelle du film sportif sur le « retour » d’une gloire décrépite. Or, le film se perd un peu dans ses articulations : opposition entre le monde numérique (les simulations de course des nouvelles voitures) et le photoréalisme de la matière animée (le sable de la plage, la boue d’une course de démolition, le gravier d’une piste de légende), opposition entre les vétérans et les rookies, opposition entre l’arrivisme des jeunes pousses masculines et le manque de confiance de Cruz Ramirez, la protégée de Flash, opposition entre le passé (Flash cherche à retrouver le mentor de Doc Hudson) et l’avenir incertain du héros. Toutes ces pistes, que le film survole, offrent moins une profondeur à l’intrigue qu’elles ne l’éloignent de son beau cœur créateur : l’apprentissage de la finitude et le passage de flambeau à la génération suivante. Même si la promesse n’est pas pleinement tenue, la mélancolie du projet, d’autant plus au regard du public auquel le film s’adresse, confirme bien que la franchise Cars, malgré ses parures plus « commerciales », roule bien pour l’écurie Pixar.