C’est ce qu’on pourrait appeler le syndrome Shrek : pourvu d’une franchise qui n’a pas encore craché son dernier dollar, le studio la met sous perfusion. Elle ne respire plus vraiment, mais les tonnes de références qu’on lui injecte feront bien l’affaire. C’est, en revanche une pratique qu’on n’attendait pas de la part de Pixar, qui même en fin de règne reste encore synonyme d’inspiration. Tandis que les précédents titres du studio continuent d’alimenter les discussions, Cars 2 s’éclipse sans faire d’histoires. Ni une bonne surprise – la bande annonce était déjà peu attrayante –, ni vraiment une mauvaise, la suite des aventures de Flash McQueen est sans conteste le plus banal objet d’entertainment livré par les – plus si petits – gars d’Emeryville.
Easy Rider
Parce qu’elle fait de l’automobile la pièce maîtresse de son univers, la licence Cars est le projet le plus américano-centriste de Pixar : finalement, on peut se demander si son exploitation hors des frontières n’a pas parfois quelque chose d’obsolète. Sur le sol américain, la voiture se décline à volonté : elle n’est pas en reste pour ce qui est des interprétations symboliques de la liberté, du dépassement de soi (s’agissant ici de vitesse)… autant de thèmes qu’on sait chers dans le folklore national. Même si les films proposent de hisser l’automobile en haut de la société, cette place lui semble en fait déjà acquise, et il n’y a pour le prouver qu’à regarder l’histoire du cinéma américain. Hors des frontières, les choses ne sont pas si simples. La voiture n’incarne pas grand-chose : elle n’est qu’une vague présence dans l’imaginaire collectif, que ce soit au Japon ou en France. Au mieux, surgissent des références locales un peu toc mais de bon aloi ; au delà, le dispositif ne tient pas la distance, et cale à répétition. Cars 2, c’est donc un peu le symbole américain par excellence qui, las de jouer au bac à sable dans le désert du Nouveau-Mexique, part coloniser la planète.
Le point de départ est à la fois très simple et, à y bien regarder, un peu déroutant. Dans un monde en tous points semblable au nôtre, il semble qu’humains et voitures aient fusionné. Plus d’outil ni d’usager, les véhicules endossent le tout par le biais d’un anthropomorphisme un peu cracra (jeune public oblige, semble-t-il), parfois bancal. À trop explorer les ressources comiques de l’incarnation des voitures par des caractères humains, Lasseter et son acolyte – fraîchement promu réalisateur – finissent par ne plus raconter grand chose, trop occupés qu’ils sont à imaginer comment une voiture mange, dort, fait ses besoins… À court d’idées de scénario, ils n’ont plus qu’une chose à faire : noyer le film dans les références, faire diversion du début à la fin. C’était presque prévisible : Cars 2 est beaucoup mieux décoré que construit, et irrémédiablement, l’édifice vacille. Cette avalanche d’idées humoristiques ou ornementales ne satisfera que les plus jeunes.
Les autres s’ennuieront alors assez vite de ce film dont l’argument de base n’aboutit qu’à une visite guidée dans un parc à thèmes. Cars 2 ronronne mollement, essaye quelques gadgets, s’invente une échappée parodique dans le film d’espionnage, mais jamais vraiment le moteur ne s’emballe. On le prendra plutôt comme un amuse-bouche, un entre-deux vite oublié après Toy Story 3 et avant des projets un peu plus alléchants comme Brave. Pour cause : la sortie du film fête en même temps les vingt-cinq ans de Pixar, et John Lasseter s’offre un caméo de circonstance. C’est un peu ça, Cars 2 : un gros gâteau, pas très bon, couvert de sucreries. C’est bien pour célébrer, mais pour le goût, on repassera.