On a défendu avec suffisamment de vigueur à Critikat les derniers films de Clint Eastwood pour ne pas masquer une semi-déception (semi seulement, mais déception tout de même) à la découverte de Cry Macho, assurément le film du cinéaste le moins accompli et ambitieux depuis un moment, mais pas non plus la catastrophe annoncée par certains. Entre Honkytonk Man, Gran Torino et La Mule, le film rejoue la partition eastwoodienne en diable d’une rencontre avec l’Autre (Mike, vieux cow-boy lessivé, part au Mexique retrouver Rafo, le fils de son ex-employeur), médiatisée par Macho, le coq de combat dressé par le jeune homme, qui fera à plusieurs reprises le lien entre les deux personnages. La première partie du film laisse en particulier un drôle de sentiment. Baignant dans un déluge inédit de flares (si Yves Bélanger succédait honorablement à Tom Stern dans La Mule et Le Cas Richard Jewell, difficile d’en dire autant de Ben Davis, chef-opérateur notamment de plusieurs Marvel), et handicapé par plusieurs scories de montage, loin de la rigueur habituelle du cinéaste, Cry Macho donne presque l’impression d’assister à un film « à la Eastwood » mis en scène par un autre. Mais quelques éclats laissent pointer que le cinéaste, même un peu endormi, est toujours là, comme en témoigne ce plan où, en ombre chinoise, la silhouette de Clint s’allonge dans le crépuscule pour faire corps avec le désert. Brève occurrence de l’horizon funéraire du cinéma d’Eastwood, contrebalancée quelques plans plus loin par une mise en scène de la vitalité toujours palpable de sa figure – les chevaux qui galopent et accompagnent l’avancée de la voiture de l’éternel homme des hautes plaines.
Reste que le film n’est pas encore tout à fait lancé, et doit passer par des scènes douloureuses à voir dans la villa de la mère de Rafo, matriarche séductrice, peut-être le personnage le plus ingrat de la filmographie d’Eastwood, pour trouver son cap en accompagnant le rapprochement du vieillard et du jeune coq. Se déploie alors le scénario, familier chez le cinéaste – rien de neuf dans le film, vraiment, mais cela participe aussi quelque part à son charme suranné – d’un (faux) road-movie et de la recherche contrariée d’un foyer. Un horizon un peu rebattu, donc, mais qui produit au moins une scène réellement magnifique, où Clint, allongé dans une église, le visage masqué par l’ombre de son chapeau, raconte qu’il a perdu sa femme et son fils. Et ses lèvres de trembler, et une larme de perler des ténèbres où ses yeux sont perdus, pour strier son visage buriné par les épreuves du temps. Rien que pour cette séquence, on ne peut pas complètement balayer d’un revers de la main ce quarantième film (!) ouvertement mineur.